Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour

14 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
© Nick Prideaux
The Things Not Seen Are Eternal © Herman Ellis Dyal

Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les thématiques que nous abordons régulièrement se trouve l’amour et ses nuances. À l’occasion de la Saint-Valentin, nous mettons en lumière Claudia Cabrero, Herman Ellis Dyal, Melissa Schriek, Eimear Lynch, Katya Kalyska et Nick Prideaux, six artistes dont les séries déclinent ce sentiment dans des formes variées.

En ce 14 février, l’amour est partout. Dans les rues comme sur Internet, sur les affiches que nous croisons comme dans les newsletters que nous ouvrons, tout semble graviter autour des couples. Pourtant, ce sentiment régit bien des relations. Les liens familiaux ou amicaux, l’attention que nous portons à nous-mêmes ou aux petites choses du quotidien, la spiritualité de même que les passions qui nous animent sont autant d’exemples que de formes d’amour. Sur les pages de notre site et dans celles de notre magazine, un certain nombre de photographes a évoqué ce sujet, donnant à voir des déclinaisons de cette tendresse pour les autres ou pour les moments simples de l’existence. Dans des approches qui leur sont propres, Claudia Cabrero, Herman Ellis Dyal, Melissa Schriek, Eimear Lynch, Katya Kalyska et Nick Prideaux s’inscrivent notamment dans cette démarche.

Deux enfants derrière une fenêtre
© Claudia Cabrero
Photographie d'Eimear Lynch montrant des adolescentes en soirée.
© Eimear Lynch
© Melissa Schriek

Les relations que nous nouons avec nos proches

Outre les relations de couple, l’amour se trouve dans celles que nous nouons, plus largement, avec nos proches. Claudia Cabrero s’intéresse ainsi à sa famille et plus particulièrement à ses filles. C’est d’ailleurs à leur naissance que l’artiste a commencé la photographie. Sa pratique consiste alors, selon ses mots, à « arrêter le temps, [à] créer quelque chose de beau, un moment banal, qui n’a rien de spécial, mais qui donne à voir la beauté dans le quotidien ». Ses compositions, aussi spontanées que poétiques, résultent d’un travail collaboratif, d’un jeu entre une mère et ses enfants. « Je ne sais pas si elles sont vraiment conscientes… Je leur montre toujours les photos que je sélectionne. Parfois, je leur laisse même choisir [celle qu’]elles préfèrent », explique-t-elle. Dans un autre registre, Herman Ellis Dyal évoque également les liens familiaux, de même que la religion, à travers The Things Not Seen Are Eternal. Au fil de l’ouvrage se découvre l’intérieur de l’église de San Antonio, au Texas. L’édifice, aujourd’hui dépeuplé de ses fidèles, a rythmé sa jeunesse et accueilli de nombreux souvenirs. Le titre de la série fait référence au Deuxième épître aux Corinthiens (4:18) de la Bible. « Il souligne que les photographies elles-mêmes ne sont pas véritablement importantes. C’est ce qu’elles suggèrent sur la notion du divin, la mémoire, le temps qui passe et la famille qui est digne d’intérêt », indique-t-il. Malgré la mélancolie qui émane des images, l’amour survit à la désolation. L’espoir subsiste, demeure indéfectible. 

Melissa Schriek et Eimear Lynch immortalisent, quant à elles, l’expression d’une sororité touchante. Dans Ode, la première propose des mises en scène colorées. Par l’entremise de chorégraphies étonnantes, ses modèles matérialisent les dynamiques qui les unissent. « J’ai entrepris de créer un récit qui présenterait une perspective différente sur l’amitié, tout en conservant l’authenticité, explique l’artiste. J’ai photographié de nombreux couples de meilleures amies, principalement dans l’espace public, dans le but d’explorer l’essence de leurs liens à travers le portrait, le langage corporel et le mouvement. » La seconde, qui signe Girls’ Night, s’immisce dans les préparatifs de soirées entre filles. Ces moments, propices aux discussions à cœur ouvert, témoignent tout autant de l’affection qu’elles se portent mutuellement. Ensemble, elles s’aident à paraître sous leur meilleur jour, se conseillent avec bienveillance et prennent soin les unes des autres. « J’adorais aller en boîte quand j’étais adolescente, se souvient Eimear Lynch. J’étais une enfant assez timide, sauf quand j’étais avec mes amies. Je me sentais toujours plus confiante lorsque j’étais avec elles. Dans ce livre, j’ai voulu montrer le pouvoir que l’on tire de ses amitiés […]. »

Photographie d'Eimear Lynch montrant des adolescentes se préparant avant d'aller en soirée.
© Eimear Lynch
Baptism, 1954 © Joe Boyd / Herman Ellis Dyal
© Melissa Schriek
Deux mains entrelacées
© Katya Kalyska

L’amour subtil dans le quotidien

Le soin que nous portons aux autres et à ce qui nous entoure rend également compte d’une forme d’amour. « Il y a un sentimentalisme dans la photographie », suggère, à juste titre, Katya Kalyska. Ses compositions font la part belle aux détails qui ne se révèlent que sous le regard attentif d’un esprit flâneur. Parmi les éléments qu’elle privilégie se trouve une partie du corps qu’elle saisit sur le vif et qui dit autant de nous qu’un portrait. « Pour moi, les mains sont un symbole d’amour, de création, de sensation, de mémoire, commence-t-elle à énumérer. Elles ressentent les surfaces. Elles sentent. Le toucher est ce qui nous relie aux autres. Elles nous rapprochent. Les gens prient les mains jointes, murmurant leurs prières, leurs souhaits, leurs demandes de pardon. Les mains écoutent. Nous construisons des maisons et préparons des repas pour nos proches avec nos mains. Elles créent, elles aiment. Elles sont incroyablement expressives. On peut y lire la tension, l’anxiété et l’excitation. Nous tenons celles des êtres chers. Les mains se souviennent. C’est avec elles que nous essuyons nos larmes, que nous écrivons des lettres honnêtes, que nous faisons nos adieux.  Il y a tant de force et de vie dans ces mains, entre nos mains… » 

Il n’est pas anodin que les activités qui nous animent soient désignées par le terme « passions ». Se décrivant comme « l’auteur d’un journal intime visuel », Nick Prideaux a toujours été porté par la volonté de partager la magie du quotidien dont il est témoin. « Je souhaite mener quiconque contemple mes images dans une sorte de voyage. Pour moi, c’est la manière la plus romantique, la plus belle de pratiquer cet art – et sans doute la seule à mes yeux », révèle-t-il. Plus que l’expression d’un attrait pour le médium, ses tirages aux teintes solaires s’éprouvent par fragments. Elles convoquent les sens et se lisent comme un blason ou un chant d’amour au temps présent. Ce dernier prévaut sur le reste, rien d’autre ne compte. « Dès que j’attrape mon boîtier, tout autour de moi, le monde semble s’arrêter, et c’est alors que je peux m’ancrer tout à fait dans le moment », assure-t-il. Cette envie de profiter pleinement de l’instant s’impose, finalement, comme une douce manière de manifester son amour, quel qu’il soit.

Main plongée dans un bouquet de mimosa
© Nick Prideaux
Deux enfants se regardant devant une fenêtre
© Claudia Cabrero
Deux personnes se tenant la main
© Katya Kalyska
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