
L’œil est double, trouble, dans un carcan flou de pourpre et de violet. Il fixe l’objectif autant qu’il s’en détourne. Était-ce un idéal ? Les clichés de Sergey Skip regardent en face comme de biais pour faire naître l’image – et la subjectivité qui lui est liée. Ils explorent, selon l’auteur, « les obsessions, les pensées parasitées, l’anxiété, la paranoïa pour s’engager dans des réponses émotionnelles, moins positives que sensuelles ». S’immerger, donc, dans le portrait, jusqu’à l’abstrait, l’aplat presque pictural des couleurs qui se mêlent et s’annulent. Entre Berlin, où il vit, et Lisbonne dont il aime la campagne en hiver, les influences de Sergey Skip sont plutôt à chercher du côté du Dublinois Bacon dont il partage les admirations (Caravage, les expressionnistes…). « L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux », disait d’ailleurs le peintre, citant Eschyle. Elle transpire ici d’une bouche ouverte aux dents démultipliées, des corps en performance où le regard projette et reconstruit d’impossibles proportions. L’émotivité du flou embrasse les paysages – les rues et trams de Lisbonne – pour faire du photographe un bateau ivre dont la technique est une pudeur paradoxale. Sergey Skip le concède : il prend des portraits pour « décrire quelque chose qu’[il] ne peut pas verbaliser, ou analyser, mais dont [il] peux faire l’image ». Loin d’un « scepticisme post-moderne », sa subjectivité s’affranchit de l’influence des maîtres, si prégnante soit-elle. « Certaines personnes voient la photographie comme une forme d’impasse (en comparaison de la peinture, ndlr), mais même si elle l’était, je crois que celle-ci n’a pas encore été totalement explorée.












