Jusqu’au 10 février 2024, la galerie parisienne de Magnum Photos dévoile une fine sélection d’images tirées du livre Some Say Ice d’Alessandra Sanguinetti. Un voyage en monochrome au cœur du Wisconsin qui ne vous laissera pas indifférent·e.
À l’âge de neuf ans, Alessandra Sanguinetti découvre dans la bibliothèque de sa mère l’étrange livre Wisconsin Death Trip de Michael Lesy. « Publié dans les années 1970, cet ouvrage rassemble des images d’un petit village réalisées à la fin du 19e siècle par Charles van Schaick. L’auteur les a assemblé à des titres de journaux de l’époque. Il se compose de beaucoup de visuels bizarres, très spooky », explique Samantha McCoy, directrice de la galerie Magnum à Paris. La jeune fille assimile alors, à cet instant, que ces archives entretiennent une grande part de mystère, et que tout le monde va mourir un jour ou l’autre. « Elle comprend aussi que la photographie est quelque chose qui permet d’arrêter le temps », précise la galeriste. Cette trouvaille sonne comme une évidence dans l’esprit d’Alessandra Sanguinetti et décide donc de devenir photographe. Sa carrière décolle rapidement dans le monde entier et elle rejoint l’agence Magnum en 2007.
Néanmoins, en 2014, l’artiste qui a vécu de longues années en Argentine, se sent perdue et éprouve un grand manque d’inspiration. Mais, une lueur de créativité l’illumine en un instant. La photographe n’avait jamais oublié l’impact que ce livre lui avait procuré. « Elle se dit qu’elle va faire un retour en arrière pour aller dans ce fameux village. Elle y va sans savoir ce qu’elle va réaliser. elle souhaite faire semblant d’être une photographe originaire de ce lieu et commence alors à capturer à l’aide d’un trépied, comme le faisaient les photographes cent ans auparavant », raconte Samantha McCoy. Pendant six années, Alessandra Sanguinetti se rend, chaque hiver, à Black River Falls, dans le Wisconsin. Lorsqu’elle immortalise les habitant·es de ce village rural, elle leur demande de s’imaginer à une époque où les téléphones portables n’existent pas. À la manière dont le livre de Michael Lesy a suscité en elle un grand mystère, elle compose, à son tour, un récit visuel qui pose de nombreuses questions sans en donner de réponses.
Un noir et blanc inquiétant
À travers ses images monochromes, une inquiétante étrangeté plane au sein de la galerie Magnum. Habituée de capturer son environnement en couleurs, il était important pour Alessandra Sanguinetti de composer Some Say Ice en noir et blanc, à l’instar de la couleur de l’hiver. Un cliché après l’autre, nos regards se posent et deviennent furtifs. Des protagonistes habités par leur rôle transpercent notre âme et de nombreux animaux, figures récurrentes de l’univers d’Alessandra Sanguinetti, viennent peupler notre imagination. « Ils sont toujours présents, ils regardent tout et partout », rapporte Samantha McCoy. Pour la galeriste, ce projet n’est pas un dialogue avec la mort. Il s’agirait plutôt de multiples miroirs où les visiteurices perçoivent leurs propres émotions et sentiments. Le silence visuel se transforme alors en un brouhaha dans nos têtes, à la recherche des réponses que la photographe nous demande d’établir. Aussi énigmatique que captivante, l’exposition Some Say Ice vous transportera dans un Wisconsin intemporel.