Steph Wilson : Une provoc’ à soi

20 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Steph Wilson : Une provoc' à soi
Self (WIP) © Steph Wilson
Femme portant une combinaison de fleurs et tenant une épée.
Self (WIP) © Steph Wilson

Entre satire esthétique et image de mode, l’artiste britannique Steph Wilson compose sa série d’autoportraits Self (WIP), un work in progress qui lui permet de questionner son rapport au médium photographique, mais aussi d’appréhender différemment sa pratique commande.

« Je ne voulais pas faire une autre série d’autoportraits qui deviendrait une métaphore de l’emprisonnement ou de l’isolement – encore moins en étant enfermée chez moi… J’ai réalisé que la notion “d’intérieur” pouvait également inclure notre propre psyché. » C’est en plein confinement, tandis que la création artistique semble tourner à vide, que Steph Wilson, photographe installée entre Londres et Paris, conçoit Self (WIP). Un projet né d’un entêtement, celui de ne pas être redondante. L’idée germe alors : dans l’absurdité d’un monde où le temps s’est arrêté, l’artiste imagine un filtre fantastique pour colorer ses compositions. « Je me sentais comme une enfant durant un été interminable, jouant à des jeux simples avant de me tourner vers d’autres, plus complexes », se souvient-elle. Séquence d’autoportraits perçue comme une collection de « poupées dans une maison » et autant d’allégories permettant d’exprimer ses nuances dans un espace restreint, Self s’installe dans son quotidien. Un work in progress, jusque dans le titre [WIP, ndlr], destiné à rappeler à sa créatrice que « le soi ne cesse d’évoluer ». En mêlant détails humoristiques, éléments surréalistes et clins d’œil à l’art et à la mythologie, de personnage en personnage, Steph Wilson se libère. Dans ses œuvres, une interprétation de la miniature de Jacques Le Moyne intitulée Une jeune fille des Pictes (voir photo ci-contre) croise par exemple l’âme de Boadicée, reine-guerrière celte. Des roleplays fantasques qui lui permettent d’interroger son rapport au médium photographique.

Personnes installées dans un salon, certaines sont nues, d'autres habillées, en fond un tableau
Self (WIP) © Steph Wilson
Sur un fond de studio photo, une personne s'élance dans les airs et une autre fait une galipette nue
Self (WIP) © Steph Wilson
Couverture de Fisheye Magazine #70 : Griffes
156 pages
7,50 €

« Laisser parler mon cœur avant de consulter ma tête »

En prenant son temps, l’autrice britannique révèle le potentiel sur le point d’éclore. « J’ai découvert, en réalisant des projets au long cours, que les images les plus importantes se dévoilent plus tard, lorsqu’on les laisse s’exprimer. Les images qui nous enthousiasment après des semaines, des mois ou des années sont celles qui comptent », affirme-t-elle. Pour l’artiste, la photographie s’apparente aux histoires d’amour : on peut s’abandonner à la passion du moment en faisant taire notre raison, mais les relations qui perdurent, elles, nous marquent par leur qualité. « J’essaie désormais de laisser parler mon cœur avant de consulter ma tête et de les pousser à débattre », s’amuse-t-elle. Une philosophie qu’elle incorpore également dans sa pratique commerciale.

« J’ai appris à compartimenter. Je comprends maintenant que la commande est une manière de créer sainement et d’avoir les moyens de le faire. » Alors, pour faire raisonner les deux pratiques, elle envisage ses différents projets avec une même irrévérence et un même respect pour les « personnes brillantes qui restent toujours intègres ». Un point de départ vers une satire esthétisée mariant la beauté picturale à la dérision. Dans les autoportraits de Self, la dichotomie est évidente. Aux espaces sublimes – le lieu de vie de la photographe abrite une « forêt vierge » de plus de 600 plantes – s’opposent des décors méta, révélant l’envers : le studio et ses fonds blancs. Même les corps se font face dans des mises en scène comiques confrontant notamment un danseur étoile à une galipette triviale.

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #70. Rendez-vous par ici pour découvrir plus de sujets de notre dossier spécial mode.

Une femme se tient seins nus debout sur un bureau et joue avec ses nattes
Self (WIP) © Steph Wilson
Une femme se tient les seins et les colle contre la vitre
Self (WIP) © Steph Wilson
À lire aussi
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
© Léo Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
Alors que la Fashion Week parisienne vient de s’achever, Fisheye consacre son numéro #70 à la mode. Au fil des pages, photographes et…
12 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Steph Wilson : « Sexe, femme, colère et méchanceté »
Steph Wilson : « Sexe, femme, colère et méchanceté »
Installée en Angleterre, la photographe et peintre Steph Wilson a installé son studio dans une ancienne église, abritant plus de 600…
15 février 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
© Melchior Dias Santos / Instagram
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’amusent à déformer leurs images. Ils et elles jouent avec le flou, la...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
© Carla Rossi
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’intéressent autant à la surface qu’à la...
07 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Dior par Yuriko Takagi © Yuriko Takagi
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Noël approche. À cette occasion, la rédaction de Fisheye vous concocte des sélections de ses livres photo préférés, que vous...
05 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Pour Noël, Tendance Floue organise une vente de tirages à moins de 70 euros
© Céline Croze / Tendance Floue
Pour Noël, Tendance Floue organise une vente de tirages à moins de 70 euros
Jusqu’au 10 décembre 2025, les membres de Tendance Floue vous proposent d’acquérir certaines de leurs œuvres grâce à une vente...
04 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
© Grade Solomon
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
Grâce à l'impression risographie, Grade Solomon raconte les formes de vie et les états d’âme dans ce qu’ils ont de familier et de...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
© Melchior Dias Santos / Instagram
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’amusent à déformer leurs images. Ils et elles jouent avec le flou, la...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
© Carla Rossi
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’intéressent autant à la surface qu’à la...
07 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet