Entre les pages de The Things Not Seen Are Eternal se découvre l’intérieur de l’église de San Antonio, au Texas. Depuis les années 1940, l’édifice religieux a été au cœur de la vie familiale d’Herman Ellis Dyal, photographe à l’origine de ces images qui interrogent les liens que nous tissons avec le divin, nos proches et les souvenirs.
« Je m’appelle Herman Ellis Dyal. J’ai 73 ans. Je suis un architecte et graphiste à la retraite. Je vis avec ma femme à Austin, au Texas », commence notre interlocuteur. Ce n’est qu’à la fin de sa carrière, en 2020, que celui-ci a développé un certain intérêt pour l’art de la photographie. En parallèle, le temps libre qui s’offrait à lui se présentait comme l’occasion de retourner, tel un pèlerinage, sur les lieux qui ont marqué son enfance. L’un d’eux est l’église de San Antonio. L’édifice religieux détient une place particulière dans le cœur de l’artiste. Depuis les années 1940, il s’est imposé comme le centre de la vie de sa famille. « Après un parcours professionnel bien rempli, j’ai appris la valeur d’avoir la possibilité de ralentir, de prendre le temps de vraiment regarder le monde et de réfléchir à la place que l’on y occupe. La bâtisse m’a permis d’explorer un environnement qui avait, en quelque sorte, été figé dans le temps », explique-t-il.
Pendant deux ans, Herman Ellis Dyal s’est régulièrement rendu sur place pour immortaliser des fragments de cette église, dépeuplée de ses fidèles, dont les rayons du soleil nimbent toujours les riches couleurs d’un éclat singulier. Entre les murs, la chaleur humaine semble subsister et la présence des êtres est encore palpable. De cette collection de clichés naîtra The Things Not Seen Are Eternal, sa première monographie publiée aux éditions GOST. Le titre fait référence à un passage de la Bible, et plus précisément de la Deuxième épître aux Corinthiens (4:18). « Il souligne que les photographies elles-mêmes ne sont pas véritablement importantes. C’est ce qu’elles suggèrent sur la notion du divin, la mémoire, le temps qui passe et la famille qui est digne d’intérêt », indique-t-il.
Un refuge contre la désolation du monde
Au gré de ses déambulations dans ces lieux devenus sombres et silencieux, des bribes du passé lui reviennent. « Des souvenirs de mes parents et de ma famille, principalement, mais aussi de ma jeunesse, du quartier et de la ville où je suis né ont peu à peu émergé », précise-t-il. Puis, la découverte fortuite d’une boîte achève de le plonger dans ces réminiscences : « En explorant le bâtiment, je suis tombé sur de vieux tirages. Parmi eux se trouvaient des portraits de mes oncles et mes tantes, de mes cousins et cousines et de moi-même à l’âge de 3 ans. » Consignés à la fin de l’ouvrage, les monochromes agissent ainsi comme un contrepoint témoignant d’une existence passée, survivant dans les mémoires individuelles, mais surtout d’une réalité plus globale, d’une époque désormais révolue.
« Je pense que ces images illustrent un monde brisé, tout en montrant, peut-être plus subtilement, qu’il y a de l’espoir. Elles suggèrent peut-être aussi que les expressions et les institutions religieuses, construites par l’humanité, ne sont que temporaires, alors que le divin est immuable et éternel », observe Herman Ellis Dyal. Si l’abandon de cette église et la vue de ces vestiges de foi peuvent susciter une certaine mélancolie, le photographe assure qu’elle restera pourtant à jamais un « lieu de transcendance et de beauté, un refuge contre l’amertume, le cynisme, la corruption, le bruit et la désolation du monde extérieur », à l’instar des souvenirs qui nous habitent.
245 x 310 mm
55 €