MuMA Le Havre accueille jusqu’au 27 janvier Still, une exposition qui conjugue les séries Interiors et Guldnakke, réalisées par la photographe danoise Trine Søndergaard. Un projet faisant partie du cycle « Lumières Nordiques », un parcours photographique présentant des artistes scandinaves en Normandie.
Still
est un dialogue entre deux séries de photographies, Interiors et Guldnakke. Si elles évoquent en apparence des sujets très différents, elles sont toutes deux réalisées au format carré – avec un Bronica moyen format – à la lumière naturelle. Le tableau de Vilhelm Hammershøi, maître de la lumière nordique dont l’œuvre a inspiré l’artiste danoise, marque le point de départ. Son œuvre Strandgade (1904) donne un aperçu d’une pièce vide et sombre.
Vilhelm HAMMERSHØI, “Intérieur”, Strandgade. Donation Philippe Meyer, 2000.
© RMN-Grand-Palais (musée d’Orsay) / Adrien Didierjean
Lumière et temps suspendu
Les images de Trine Søndergaard ont été réalisées à la lumière naturelle, dans des pièces intérieures. Dans ses séries, Trine capture la lumière tamisée des journées nuageuses et crée une palette de couleurs, du gris au doré. Pour Interiors, elle a photographié durant 4 ans des manoirs danois du 19esiècle abandonnés. Guldnakke se compose d’une série de portraits de femmes de dos et portant des coiffes brodées en or, empruntées dans le même musée (Furesø Museer, à Farum au Danemark) où s’est tenu le shooting. « J’observe toujours la lumière qui m’entoure et je suis mon intuition. J’aime shooter à la lumière blanche et diffuse des jours gris. Les reflets poussiéreux et le doré vieilli des coiffes m’ont particulièrement inspiré ». Telle est sa vision de la lumière nordique.
Présentées les unes en face des autres, les deux séries instaurent un dialogue entre le passé et le présent. Dans Guldnakke, les figures féminines apparaissent depuis un fond gris, dénuées de leurs ombres. Le visiteur a pour seuls repères temporels la coiffe du 19ᵉ siècle et les habits contemporains. Statiques, ces femmes sont immortalisées dans un jeu d’anachronismes. Tandis que devant les clichés d’Interior, le spectateur se trouve dans un état de contemplation et de quiétude, « en attendant que quelque chose se passe », précise Trine. Le temps semble flotter comme la poussière dans ces pièces vides depuis plus de 50 ans.
à g. Interior #4, 2010, à d. Interior #2, 2008 © Trine Søndergaard / Courtesy Martin Asbæk Gallery, Copenhague
Still, entre suggestion et silence
« There is a crack in everything, that’s how the light gets in » (« il y a toujours une fissure par laquelle la lumière peut passer », en français).
Ces paroles signées Leonard Cohen résonnent devant les photos de Trine Søndergaard. Laissant toujours une porte ouverte à l’imagination, à une recherche du non visible, ses images suggèrent plus qu’elles ne montrent. Trine demeure persuadée qu’il y a toujours une histoire à raconter et que ce sont les détails très subtils, comme une simple fenêtre, un accessoire ou une épaule en légère torsion, qui constituent la porte d’entrée d’un monde plus vaste, au-delà des apparences. Elle aime installer le secret, et inviter le spectateur à se poser, contempler et réfléchir.
Dans une société où règne le bruit des images, Still constitue un havre de paix. C’est entre autres pour cela qu’elle recourt au format carré, rendant les photos statiques et contraignant la photographe à réaliser des prises de vues plus exigeantes. Trine compose des photos “méditatives” et minimalistes, silencieuses à première vue, mais très expressives sur le fond. Finalement, son œuvre ne représente plus un simple miroir de la réalité, mais le reflet d’une quête personnelle : trouver un équilibre dans un monde saturé d’images. Still est un jeu subtil avec le temps et la lumière nordique. Ne serait-ce pas l’essence même de la photographie que de fixer le temps avec la lumière ?
Still sera exposée au MuMA Le Havre jusqu’au 27 janvier et sera ensuite accueillie à la Maison du Danemark, Paris, en 2019.
Guldnakke #2, 2012. © Trine Søndergaard / Courtesy Martin Asbæk Gallery, Copenhague
à g. Guldnakke #8, 2012, à d. Guldnakke #4, 2012. © Trine Søndergaard / Courtesy Martin Asbæk Gallery, Copenhague
Interior #10, 2010. © Trine Søndergaard / Courtesy Martin Asbæk Gallery, Copenhague