« La photographie est devenue un moyen de documenter ce que je vivais, de mettre des mots sur des choses que je ne comprenais pas vraiment. »
Dans I’ve Always Wanted to Be a Mom, Valentine de Villemeur se livre pour la première fois à une approche autobiographique. Comme son titre le suggère, l’ouvrage s’articule autour du désir d’être mère. Plus particulièrement, il raconte le parcours de procréation médicalement assistée (PMA) auquel la photographe a dû avoir recours afin de réaliser ce souhait.
Fisheye : I’ve Always Wanted to Be a Mom raconte le parcours de ta PMA. Pourquoi as-tu commencé à le documenter ?
Valentine de Villemeur : Quand mon mari et moi avons eu ce désir d’enfant, je me suis dit que, le jour où je serais enceinte, j’aimerais documenter ma grossesse. À la base, c’était dans une démarche personnelle, pour les souvenirs, comme si l’on faisait des photos de vacances. Je voulais le faire pour mon futur enfant et pour moi. Mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Je suis tombée enceinte et, assez vite, on a découvert un souci. Mon bébé a eu un problème génétique et, malheureusement, on a dû interrompre la grossesse. C’est à la suite de cette IMG que le livre a commencé à voir le jour. J’étais perdue, je me suis sentie très seule, et la photographie est devenue un moyen de documenter ce que je vivais, de mettre des mots sur des choses que je ne comprenais pas vraiment.
L’idée du format livre s’est-elle imposée d’emblée ?
J’ai toujours su que j’aimerais publier un livre, un jour, dans ma carrière d’artiste. Je pense que c’est l’espoir et l’envie de beaucoup de personnes. Quand j’ai vu que j’avais assez d’images, j’ai fait plusieurs lectures de portfolio avec des professionnels, puis j’ai répondu à un appel à candidatures de la maison d’édition Four Eyes. Cette série, qui s’avère intime, se prête bien à la forme du livre.
« Quand on désire être parent, l’attente peut être très longue alors, si l’on passe par des événements compliqués, cela devient insoutenable. »
Justement, à la manière d’un journal intime, tu entremêles ici tes photographies, qui sont très douces dans les nuances, avec des archives et des textes personnels. Comment as-tu pensé cet ouvrage ?
L’histoire s’est naturellement divisée en trois parties : la première touche à l’IMG, la deuxième est consacrée au parcours de PMA et la dernière montre la grossesse. J’avais envie qu’elles aient un lien entre elles et, d’une certaine façon, aborder ce sujet de manière douce le rendait plus beau. C’est quelque chose qui m’a guidée tout au long du projet. Afin de séparer ces chapitres, mais aussi de révéler mes pensées, on retrouve également trois pages avec un texte manuscrit et des résultats de prise de sang sur fond noir. C’est ma maison d’édition qui, au fil des échanges, m’a conseillé de rajouter des documents d’archives comme des échographies ou des tickets de laboratoire. Ça a complètement transformé le livre.
Le titre de la série prend la forme d’une affirmation. Peux-tu nous en dire plus ?
J’ai toujours su que je voulais être maman. Enfant, j’aimais jouer à la poupée et j’adorais m’occuper de mes cousines et cousins qui étaient plus jeunes que moi. Je demandais si je pouvais les porter ou préparer leur biberon. En grandissant, je me suis toujours imaginée mère. Lorsque j’ai commencé cette série malgré moi, je me suis tout de suite dit que ce titre serait le bon. Ma maison d’édition m’a proposé d’autres idées, mais elles ne marchaient pas aussi bien. Quand on désire être parent, l’attente peut être très longue alors, si l’on passe par des événements compliqués, cela devient insoutenable. La volonté d’être mère s’intensifie. J’avais envie d’un titre fort qui représente cette émotion.
« Cet événement douloureux a changé ma vision de la photographie. »
108 pages
45 €
Quel message souhaites-tu faire passer à travers cet ouvrage ?
J’ai commencé cette série sans objectif autre que celui de me faire patienter et de me guérir. Puis, au fil de la création, je me suis dit que si je pouvais aider concrètement un couple ou une personne qui vit cela, mon travail d’artiste prendrait tout son sens. Je l’ai déjà mentionné, mais quand j’ai perdu mon premier bébé, quand j’ai dû passer par la PMA, je me suis sentie extrêmement seule. Les témoignages restent rares, même si ça commence à bouger. Il y a des podcasts, des livres et des articles, mais encore peu d’œuvres visuelles. J’étais en recherche de cela. J’avais besoin de comprendre que, même si c’est tragique, d’autres ont vécu des histoires similaires. J’avais besoin d’avoir ce point commun avec d’autres gens. Si ce livre peut aider, ce serait magnifique.
En quelle mesure la réalisation de ce projet a-t-elle modifié ton approche photographique ?
C’est la première fois que je me mets à nu. Avant, je faisais plutôt de la photo de rue, puis je suis passée au documentaire, notamment avec la série Héritage, que j’ai réalisée quand j’habitais en Irlande. Je ne suis pas quelqu’un qui aime se montrer sur les réseaux sociaux et, en même temps, la couverture est une image de moi en train de pleurer. Je me suis forcée à la prendre le jour où j’ai appris que mon premier transfert d’embryons n’avait pas marché. Il y a eu un vrai rapport à soi en tant qu’artiste, entre ce que je souhaitais raconter et ce que je voulais garder privé, et j’ai découvert que j’aimais bien cette approche de l’intime. C’est beaucoup plus lent, beaucoup plus long. Cet événement douloureux a changé ma vision de la photographie.
Le 26 juin 2025, de 18 heures à 20 heures, une signature de l’ouvrage aura lieu à la librairie Sans Titre, au 2, rue Auguste Barbier, dans le 11e arrondissement parisien.