Amy Koenig dans les limbes de l’univers

17 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Amy Koenig dans les limbes de l'univers
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion

Avec sa série Aphelion, Amy Koenig explore la relation des humain·es avec l’univers infini. Sans avoir la prétention de pouvoir répondre aux questions existentielles impossibles à élucider, elle construit un monde où la magie opère pour apaiser les doutes et pour éclairer l’obscurité dans laquelle est plongée notre existence.

« Pourquoi sommes-nous sur terre ? Quel est notre objectif ici ? Que se passera-t-il ensuite ? » C’est le genre de questions qui empêche Amy Koenig de dormir la nuit. Pour l’artiste américaine installée à Bristol, les interrogations sur l’existence humaine dans l’étendue de l’univers sont source de création artistique. « Le but n’est pas de trouver des réponses, mais plutôt la paix face à l’incertitude et l’adversité » raconte-t-elle. La photographie lui permet alors d’explorer ses ressentis personnels, de traduire ses peurs et répondre d’une manière ou d’une autre aux énigmes qui entourent la vie. « En créant mes propres mondes, j’ai pu reprendre le contrôle de mes sentiments face à quelque chose sur lequel nous n’avons aucun contrôle » raconte la photographe.

Ses images sont le fruit d’une réflexion bien construite et de mises en scène conscientes. Car Amy Koenig n’est pas le genre d’artiste à s’aventurer dans le monde pour faire des clichés sans préparations. Peut-être, pour aborder le mystère, faut-il d’abord se mettre en condition de l’accueillir comme il se doit. Jeux de miroir, broderies volantes, étoiles parsemées, herbes douces et baignades constituent sa série Aphelion où l’inconfort face à l’ignorance se dissipe avec légèreté. « Je pense qu’être capable de voir la magie dans notre environnement quotidien nous permet de comprendre que nous faisons partie de quelque chose qui est bien plus grand que nous, quelles que soient nos croyances. C’est quelque chose qui m’effraie parfois, mais qui me réconforte tout autant », soutient-elle.

© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion

Aphélie, errance et films d’horreur

« Le terme “Aphelion” (aphélie en français, ndlr) est utilisé pour décrire le point de l’orbite de la Terre où elle est la plus éloignée du Soleil, explique Amy Koenig. Et plus on est loin du Soleil, plus on est plongé dans l’obscurité. » Une façon pour l’artiste de traduire le manque de réponse à ses questions existentielles, puisque dans le noir, la vision est altérée. Pourtant, malgré les ténèbres, des miroirs et des astres jalonnent les images de la photographe. « Au départ, je les voyais comme synonyme d’une réflexion sur mes propres idées et mes propres croyances. Mais à force de discuter avec les gens autour de moi, j’ai réalisé qu’ils pouvaient potentiellement symboliser l’idée de réalités et de dimensions alternatives », confie l’autrice. Des portails vers d’autres mondes. Ces mondes qui n’ont pas encore été découverts, qu’ils soient ceux de demain, ou ceux existant déjà au-delà de notre connaissance. Elle évolue ainsi dans ces interstices entre le réel et ce qui reste à découvrir, qu’elle considère comme des « limbes ».

« C’est dans ces limbes, ces terrains et moments d’errances, où je ne suis pas tout à fait à l’aise, que j’ai créé cette série » ajoute-t-elle. Elle compare ce sentiment à la partie d’un film d’horreur qui précède l’effroi : « En essayant de combler ce fossé, je recherche un sentiment de paix dans l’inconnu. » Des vieux films d’horreur dans lesquelles Amy Koenig puise beaucoup d’inspiration, notamment le film Halloween de John Carpenter. C’est d’ailleurs pour accentuer cette sensation de malaise que l’artiste a soudain ponctué son récit en noir et blanc d’un chapitre distinctif en couleur. Si sa recette artistique qui mêle imagination et fiction, horreur et poésie, vocabulaire biblique et termes scientifiques, n’a pas vocation à apporter une meilleure compréhension de l’univers, elle agit tout de même comme une sorte d’anesthésiant soignant la peur de l’inconnu. Son lyrisme berce autant qu’il déconcerte et conduit à la réflexion suivante : « C’est finalement peut-être mieux que ne pas avoir toutes les réponses aux questions de notre existence et de notre monde. » Car tout savoir, c’est tout anticiper, et que serait la vie sans quelques bonnes surprises ?

© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
© Amy Koenig. Aphelion
À lire aussi
Gareth Phillips : la conquête de l’univers sera-t-elle une tragédie sans fin ?
© Gareth Phillips
Gareth Phillips : la conquête de l’univers sera-t-elle une tragédie sans fin ?
Avec le très surprenant Caligo (2023), Gareth Phillips s’attaque à une entreprise redoutable : envisager l’avenir de l’espèce humaine…
27 septembre 2024   •  
Écrit par Milena III
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
© Giulia Vanelli
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
Quelque part dans un village côtier de la Méditerranée, la photographe italienne Giulia Vanelli nous invite à prendre une dernière pause…
13 septembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Photographie et imaginaire, la quatrième dimension
© Elsa & Johanna
Photographie et imaginaire, la quatrième dimension
« L’imagination est plus importante que la connaissance », affirmait Albert Einstein en 1929 lors d’une interview au Philadelphia…
05 septembre 2024   •  
Écrit par Anaïs Viand
Explorez
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
À l'instant   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Juno Calypso : palais paranoïaque
© Juno Calypso. What to Do With a Million Years ? « Subterranean Kitchen »
Juno Calypso : palais paranoïaque
Dans sa série What to Do With a Million Years ? , la photographe britannique Juno Calypso investit un abri antiatomique extravagant non...
20 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
© Maria Louceiro / Instagram
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’approprient la couleur. En hommage aux beaux jours qui reviennent doucement...
18 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
À l'instant   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina