Avec sa série Aphelion, Amy Koenig explore la relation des humain·es avec l’univers infini. Sans avoir la prétention de pouvoir répondre aux questions existentielles impossibles à élucider, elle construit un monde où la magie opère pour apaiser les doutes et pour éclairer l’obscurité dans laquelle est plongée notre existence.
« Pourquoi sommes-nous sur terre ? Quel est notre objectif ici ? Que se passera-t-il ensuite ? » C’est le genre de questions qui empêche Amy Koenig de dormir la nuit. Pour l’artiste américaine installée à Bristol, les interrogations sur l’existence humaine dans l’étendue de l’univers sont source de création artistique. « Le but n’est pas de trouver des réponses, mais plutôt la paix face à l’incertitude et l’adversité » raconte-t-elle. La photographie lui permet alors d’explorer ses ressentis personnels, de traduire ses peurs et répondre d’une manière ou d’une autre aux énigmes qui entourent la vie. « En créant mes propres mondes, j’ai pu reprendre le contrôle de mes sentiments face à quelque chose sur lequel nous n’avons aucun contrôle » raconte la photographe.
Ses images sont le fruit d’une réflexion bien construite et de mises en scène conscientes. Car Amy Koenig n’est pas le genre d’artiste à s’aventurer dans le monde pour faire des clichés sans préparations. Peut-être, pour aborder le mystère, faut-il d’abord se mettre en condition de l’accueillir comme il se doit. Jeux de miroir, broderies volantes, étoiles parsemées, herbes douces et baignades constituent sa série Aphelion où l’inconfort face à l’ignorance se dissipe avec légèreté. « Je pense qu’être capable de voir la magie dans notre environnement quotidien nous permet de comprendre que nous faisons partie de quelque chose qui est bien plus grand que nous, quelles que soient nos croyances. C’est quelque chose qui m’effraie parfois, mais qui me réconforte tout autant », soutient-elle.
Aphélie, errance et films d’horreur
« Le terme “Aphelion” (aphélie en français, ndlr) est utilisé pour décrire le point de l’orbite de la Terre où elle est la plus éloignée du Soleil, explique Amy Koenig. Et plus on est loin du Soleil, plus on est plongé dans l’obscurité. » Une façon pour l’artiste de traduire le manque de réponse à ses questions existentielles, puisque dans le noir, la vision est altérée. Pourtant, malgré les ténèbres, des miroirs et des astres jalonnent les images de la photographe. « Au départ, je les voyais comme synonyme d’une réflexion sur mes propres idées et mes propres croyances. Mais à force de discuter avec les gens autour de moi, j’ai réalisé qu’ils pouvaient potentiellement symboliser l’idée de réalités et de dimensions alternatives », confie l’autrice. Des portails vers d’autres mondes. Ces mondes qui n’ont pas encore été découverts, qu’ils soient ceux de demain, ou ceux existant déjà au-delà de notre connaissance. Elle évolue ainsi dans ces interstices entre le réel et ce qui reste à découvrir, qu’elle considère comme des « limbes ».
« C’est dans ces limbes, ces terrains et moments d’errances, où je ne suis pas tout à fait à l’aise, que j’ai créé cette série » ajoute-t-elle. Elle compare ce sentiment à la partie d’un film d’horreur qui précède l’effroi : « En essayant de combler ce fossé, je recherche un sentiment de paix dans l’inconnu. » Des vieux films d’horreur dans lesquelles Amy Koenig puise beaucoup d’inspiration, notamment le film Halloween de John Carpenter. C’est d’ailleurs pour accentuer cette sensation de malaise que l’artiste a soudain ponctué son récit en noir et blanc d’un chapitre distinctif en couleur. Si sa recette artistique qui mêle imagination et fiction, horreur et poésie, vocabulaire biblique et termes scientifiques, n’a pas vocation à apporter une meilleure compréhension de l’univers, elle agit tout de même comme une sorte d’anesthésiant soignant la peur de l’inconnu. Son lyrisme berce autant qu’il déconcerte et conduit à la réflexion suivante : « C’est finalement peut-être mieux que ne pas avoir toutes les réponses aux questions de notre existence et de notre monde. » Car tout savoir, c’est tout anticiper, et que serait la vie sans quelques bonnes surprises ?