La nouvelle est tombée : Anaïs Tondeur devient la troisième lauréate du Prix Photographie & Sciences pour Fleurs de feux, le témoignage des cendres. Sa série primée rend compte d’une étude menée sur ces végétaux qui parviennent à pousser dans les sols extrêmes de l’anthropocène.
Succédant à Richard Pak et à Manon Lanjouère, Anaïs Tondeur remporte l’édition 2023 du Prix Photographie & Sciences. À l’origine de ce dernier se trouve une volonté de réunir deux disciplines que tout semble opposer. « Si la première convoque le sensible et les imaginaires, la seconde s’inscrit dans la raison et la réalité. Et pourtant, à y regarder de plus près, elles ont en commun de questionner le monde en rendant visible l’invisible, repoussant les frontières de la connaissance, donnant à voir autrement. Si la photographie raconte les circonvolutions du monde, les sciences nous aident à mieux les comprendre », souligne Philippe Guionie, délégué général de la récompense. La démarche – encouragée par la Résidence 1+2, le ministère de la Culture, l’ADAGP, le CNRS, Stimultania, Picto Foundation et les partenaires médias Sciences et Avenir – La Recherche et Fisheye – a ainsi pour vocation de soutenir un ou une artiste dans l’aboutissement d’un projet, qui entremêle ces deux champs de recherche, aux côtés de scientifiques.
Des milieux modifiés par l’activité humaine
Après avoir écumé un certain nombre de candidatures, le jury s’est réuni le 3 octobre dernier, au cœur des locaux de l’ADAGP, et s’est donc accordé sur le nom d’Anaïs Tondeur. L’heureuse élue remporte une dotation de 7 000 € lui permettant de poursuivre Fleurs de feux, le témoignage des cendres. Pluridisciplinaire, sa série soulève des interrogations ayant trait à l’écologie, à l’archéo-botanique et la philosophie. « Le premier geste de ce projet a pris forme avec le philosophe Michael Marder et la flore irradiée de la Zone d’exclusion à Tchernobyl. Intitulé Tchernobyl Herbarium, cet herbier s’épaissit chaque année d’un nouveau fragment textuel et rayographique, créé par l’empreinte directe de spécimens végétaux radioactifs sur feuilles photosensibles », explique l’artiste.
Pour la prochaine étape de création, Anaïs Tondeur et Michael Marder s’intéresseront aux plantes rudérales ou, autrement dit, qui évoluent dans un milieu modifié par l’activité ou la présence humaine. Pour ce faire, le duo se rendra sur la Terre des Feux, dans la région de Naples, où se trouve la plus grande décharge à ciel ouvert d’Europe. « Dans un protocole photographique expérimental et écologique, je recueillerai la trace du corps de ces plantes sans les extraire des sols. Cette rencontre par l’image aura ainsi lieu sans autre intervention qu’une mise en contact des éléments en présence », poursuit l’artiste. En résulteront alors de nouveaux tirages dans lesquels les fleurs éclatantes brilleront dans un fond brumeux, semblable à la nuit promise par l’anthropocène poussé à son paroxysme.