Antoine Martin dresse un portrait de Miami en clair-obscur

07 décembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Antoine Martin dresse un portrait de Miami en clair-obscur
© Antoine Martin
© Antoine Martin
© Antoine Martin
© Antoine Martin

Extravagante et haute en couleur, Miami Beach s’impose comme une destination de rêve. Plages de sable fin, boîtes de nuit, strass et paillettes font de cette ville insulaire un lieu de tous les excès où se concentre le tourisme de masse. En 2017, âgé de 17 ans, Antoine Martin s’y envole afin de perfectionner son anglais. « Le séjour était très cadré, mais j’ai pu apercevoir de loin l’envers du décor. Cela m’a intrigué et j’y suis donc retourné une première fois en 2018. Comme je n’avais pas de sous, j’ai pris un logement dans un quartier très populaire et peu développé : Allapattah », se remémore le photographe diplômé de l’école Spéos. C’est dans la ville de Miami, voisine de Miami Beach, que le jeune baroudeur prend ses marques et découvre une tout autre réalité. Il pose son sac à dos dans une sorte d’auberge artistique où l’on paie sa nuit grâce à un système de troc et de services. Le gérant, Fabien, lui ouvre alors les portes d’un Miami brumeux, sans artifice. Au fil des années, après plusieurs allers-retours, Antoine Martin part à la découverte des communautés latinos, caribéennes et afro-américaines qui peuplent les différents quartiers. « J’ai rencontré plein de personnes qui m’ont facilité l’entrée dans ce nouveau monde et m’ont permis de sortir mon appareil photo afin d’explorer les frontières entre réalité et fiction », explique-t-il. Parmi elles, un homme d’une quarantaine d’années sorti de prison. Ancien fixeur pour Vice et National Geographic, qui commandaient des sujets sur fond de trafics de drogues et d’humains, Able guide le photographe dans les endroits les plus critiques de la ville. Dans Miami, not the Beach, les mises en scène sont proscrites et laissent place à la « vraie vie » des habitants qui se révèlent, pour la plupart, curieux face à la présence de l’artiste. « J’imprime des photos dans un carnet, et quand je rencontre des gens dans la rue, je leur montre mes clichés. On échange, on prend le temps. Je ne sors jamais mon gros boîtier, mais un petit, moins impressionnant », précise-t-il. 

Une fois la confiance établie, le photographe installe deux flashs portatifs en extérieur, discute avec les protagonistes et déclenche son appareil. Telle une pièce de théâtre en clair-obscur, les clichés révèlent des corps, des visages, des scènes et des actions précises, à un détail près : les personnes photographiées endossent leur propre rôle, ils ne jouent pas. Bien que certains destins donnent des frissons, les images d’Antoine Martin ne font que suggérer la violence qui rythme leur quotidien. « Le rapport au danger et à la mort est très particulier. Ils sont quasiment tous armés, mais refusent que je photographie leurs armes. Je me souviens d’un mec qui avait un pistolet à la ceinture et qui a rigolé en le montrant en me disant : “Tu n’as pas ça en France !” Je me rappelle aussi d’un autre avec qui j’avais sympathisé et que j’ai pris en photo. Le lendemain, j’ai appris sa mort par overdose… », rapporte l’auteur. En travaillant à la tombée de la nuit et en extérieur, Antoine Martin nous donne à voir l’investissement d’un territoire par des communautés. « Chez nous, c’est normal qu’on soit avec nos proches, des gens qui nous ressemblent. Mais à l’extérieur, dans la rue, tout le monde se mélange. Or, Miami est une ville très ségréguée, personne ne se croise, chaque quartier est extrêmement marqué. D’ailleurs, pour protéger leur territoire, ils ont tous deux armes : une arme à feu et un chien, mais pas un petit », ajoute-t-il. D’un orphelinat découvert grâce à un activiste, en passant par Liberty Square, un quartier où un couvre-feu a été instauré pour lutter contre la criminalité, Antoine Martin dresse le portrait d’un Miami absent de notre imaginaire collectif.

Cet article est à retrouver dans le Fisheye #62, disponible ici.

© Antoine Martin
© Antoine Martin
© Antoine Martin
© Antoine Martin
À lire aussi
Fisheye #62 : du Songe à la réalité
© Étienne Francey
Fisheye #62 : du Songe à la réalité
Le dernier numéro de Fisheye est disponible dans les kiosques et sur le store ! Entre rêverie et actualité, Fisheye #62 donne à voir des…
03 novembre 2023   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Feræ : Aurélie Scouarnec et sa faune sauv(et)age
© Aurélie Scouarnec
Feræ : Aurélie Scouarnec et sa faune sauv(et)age
C’est au centre de soins pour animaux sauvages Faune Alfort, entre la tendresse du personnel soignant et la détresse de la faune sauvage…
23 novembre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Viviane Sassen à la MEP : mode couleurs
© Viviane Sassen / Courtesy of MEP
Viviane Sassen à la MEP : mode couleurs
Jusqu’au 11 février 2024, Viviane Sassen s’expose à la Maison européenne de la photographie à l’occasion d’une rétrospective d’envergure….
02 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Performer l'invisible : Hoda Afshar et l'acte de regarder
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Performer l’invisible : Hoda Afshar et l’acte de regarder
Avec Performer l’invisible, Hoda Afshar transforme une partie du musée du quai Branly – Jacques Chirac en espace de réflexion sur le...
30 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
© Léo d'Oriano
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les images publiées dans Fisheye donnent à voir des messages d’émancipation, de ruptures avec les...
28 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
© Valentin Derom
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
Avec Support Systems, Valentin Derom explore les gestes de soin là où on ne les attend pas : dans les étables, aux côtés de son père...
26 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
15 séries qui célèbrent l'automne
15 séries qui célèbrent l’automne
Le soleil se fait de plus en plus discret, les feuilles commencent doucement à changer de couleur, quitter sa couette le matin se fait de...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Flore Prébay : De deuil et de papier
Iceberg, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Flore Prébay : De deuil et de papier
Du 16 octobre au 30 novembre 2025, la Fisheye Gallery présente Deuil blanc, de Flore Prébay, dans le cadre des Rencontres photographiques...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
Residency InCadaqués 2025 © Antoine De Winter
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
La rentrée scolaire est souvent synonyme de foisonnement d'expositions. Pour occuper les journées d'automne et faire face à la dépression...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine