Jusqu’au 29 septembre 2024, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz présente Croyances et existence, une exposition collective regroupant plusieurs photographes et collectifs autour des convictions qui animent les êtres, des fois qui les nourrissent – et parfois les divisent.
Au cœur de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, au deuxième et troisième étages, seize artistes déploient leurs œuvres dans un parcours mêlant expositions personnelles et collectives. Un projet d’envergure croisant les écritures, les nationalités, les engagements. Pourtant, une thématique, comme un fil d’Ariane, guide les créations des auteurices : Croyances et existence. « Tous et toutes proposent des réponses visuelles à la question existentielle fondamentale : comment vivre une vie humaine ? », explique Pascale Giffard, qui signe le texte d’introduction de l’évènement. Séquelles d’une éducation religieuse oppressante, passion exaltée, recherche de l’immanence, quête de soi… Transcendant les générations et les territoires, les photographes exposé·es explorent nos rapports au monde dans toutes leurs différences et résonances. Un parcours où communiquent corps et nature, revendications intimes et idéaux universels. « L’éventail de ces propositions souligne la richesse et la diversité des engagements des artistes dans des directions aussi variées et complémentaires qu’il y a de manières d’appréhender l’existence humaine », poursuit Pascale Giffard.
Ceux que l’on juge secrets
Comment révéler l’intangible, l’invisible ? La photographie peut-elle convoquer ce que l’œil ne voit pas ? Inspirés par la foi, les membres du Collectif LesAssociés dirigent leurs récits vers les croyances qui élèvent, et celles qui se nourrissent de nos désirs. Dans Sanctuaire, Elie Monférier érige un monde brumeux, mystérieux, où se dissimulent les éclats d’une exaltation, celle du pèlerinage de Lourdes. Michaël Parpet documente quant à lui le centre médical Hadassa de Jérusalem, « l’hôpital de la paix », et Joël Peyrou s’immisce au sein du clergé pour composer Les Invisibles, un travail s’attachant à faire remarquer les silences de ceux que l’on juge « secrets ».
Lui aussi influencé par le poids des croyances, Diego Moreno transforme des photos issues de ses archives familiales en allégories monstrueuses, témoignages de la pression et la peur ressenties alors qu’il réalise qu’il est homosexuel. Enfin, Delali Ayivi, Monika Ribeiro, Verdiana Albano, Ange-Frédéric Koffi et Maryam Touzani, de l’Institute Contemporary, partagent, à travers On the vastness of our identitites, un accrochage collectif réalisé avec le soutien de Whitewall, leurs réflexions sur le sens et la liberté de leurs choix personnels alors qu’iels interrogent l’importance de leur identité, en tant qu’Afro-Européen·nes. Croisant les esthétiques comme les sensibilités, le groupe propose de mettre en avant une autre manière de croire, centrée sur un besoin de renouer avec nos propres racines pour parvenir à exister.
Conscience de la chair
Plaçant, elleux aussi l’humain au cœur de leurs travaux, Chiara Dazi, Joachim Haslinger, Soli Kiani et Philippine Schaefer dirigent leurs objectifs vers les corps. Ceux qui s’unissent, se donnent de la force, se soutiennent. Au travers de leurs images, les notions de performance, d’actions, mais aussi de conscience sociale et individuelle se croisent, comme autant de balises ancrant nos propres « êtres » dans le réel. Corps emballés, emprisonnés dans des accessoires, corps unis dans un entremêlement indissociable, corps en interaction, face aux désirs, conscience de la chair, tous et toutes signent une affirmation de l’existence par le biais de leur sujet.
Une pulsion de vie également illustrée par Salomé, exposition collective du ParisBerlin>Fotogroup. Des tensions au désir, en passant par le dépaysement et la lutte, les photographes capturent les manières dont se révèle la force vitale. Renko Recke-Morlon capture des moments de séduction en pleine rue, comme une quête effrénée de notre attention. Lui aussi inspiré par l’urbain, Torsten Schumann partage des paires d’images réalisées en Chine entre 2020 et 2022. Tout en dichotomie, Andreas Trogisch montre, avec Is-Real, les tensions en Israël à coups de monochromes contrastés. En noir et blanc également, Barbara Wolff révèle un New York fait d’absurdités, où le rêve américain croise la réalité d’une mégalopole post-Covid, en lutte continuelle.
Enfin, loin des carcans religieux, les membres du Collectif Advantage Austria semblent s’interroger : que représente la croyance ? N’est-elle pas avant tout une quête de sens ? Tournant leurs compositions visuelles vers l’ordinaire – comme une manière de donner une valeur singulière à notre quotidien – Petra Rainer, Horst Stasny et Elias Holzknecht présentent, chacun·e à leur manière, l’éloge de la lenteur et de l’ennui. Nimbés d’une poésie lascive, leurs clichés marient beauté et simplicité, comme une ode à ce qui est souvent « ignoré ».