BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy

30 avril 2024   •  
Écrit par Milena III
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS

Le programme BMW ART MAKERS, initiative de soutien à la création, accueille cette année le duo d’artiste/curatrice composé par Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy, afin de leur permettre de penser un projet autour de la production d’images abstraites. Prochainement visible dans plusieurs manifestations majeures du 8e art, Le Rayon Vert raconte l’impressionnante diversité chromatique de nos ciels, mais aussi ce que cette dernière dit de la dégradation de notre planète.

Proposition originale dans le paysage artistique hexagonal, BMW ART MAKERS met cette année sous le feu des projecteurs une œuvre expérimentale née de la collaboration entre le regard d’une curatrice et d’un photographe venu du monde de l’ingénierie. Intrigué par la question de la déconstruction, fureteur en recherche constante d’une meilleure compréhension du fonctionnement derrière les choses, Mustapha Azeroual explore un art proche de l’abstraction colorimétrique, à la lisière de la peinture et de la chimie. En résultent des œuvres extrêmement picturales, qui interrogent la photographie elle-même et les matériaux qui lui sont constitutifs, ainsi que sa prétention à représenter le monde de manière figurative et immédiate. « Si elles procurent une épiphanie chromatique, qui répond à un plaisir de la couleur que nous avons tous·tes, il n‘y a là qu’une première lecture à faire du travail de Mustapha Azeroual, prévient Marjolaine Lévy. Cette abstraction narrative va s’approfondir, jusqu’à s’inscrire dans des problématiques contemporaines et sociétales. »

« Qui n’a jamais rêvé de voir ce que l’œil est incapable de saisir ? », interroge Mustapha Azeroual. The Green Ray raconte cette quête, en s’intéressant à un phénomène optique et atmosphérique reconnu : l’aspect d’éclair vert que prend le tout dernier rayon de soleil avant sa disparition, que l’on peut apercevoir par temps clair au bord de l’océan. « Ce fameux rayon qui, d’après une légende écossaise, confère à celleux dont il a frappé les yeux le pouvoir de voir clair dans les sentiments et les cœurs », écrivait Jules Verne dans son roman Le Rayon Vert. Prenant racine en haute mer, ce projet ambitieux revisite cependant ce mythe de manière singulière.

© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS

À la recherche du rayon vert

Pour ce travail, l’artiste aura fait appel à toute une communauté de marins et de navigateurices, en leur demandant de capturer le lever et le coucher du soleil au moment qui leur semblait le plus fascinant. Ayant reçu une centaine d’images, toutes spectaculaires, Mustapha Azeroual sélectionne certaines d’entre elles afin de lui servir de source pour la production de ses œuvres : c’est cette base qu’il réinterprète alors à l’infini. « Ces images sont des compositions de paysages que je n’ai pas vus. Mon propos est de travailler sur la manière dont celles-ci vont préparer notre regard sur le monde », raconte-t-il. Comme une synthèse de ce que sont les ciels en haute mer, les dégradés de couleur de cet artiste tourangeau laissent cependant apparaître en filigrane une autre réalité, moins radieuse. Celle d’une réalité liée essentiellement à l’activité humaine et à la pollution atmosphérique. « Ces couleurs du ciel, qui donnent à voir des choses sublimes, ont changé au fil du temps, déclare le duo. Nous ne faisons qu’un constat, notre propos n’est pas de dénoncer. »

« Le dégradé est finalement éprouvé par de nombreux·ses artistes dans l’histoire de art, mais ceux de Mustapha Azeroual sont narratifs et puisent dans le réel. Jusqu’à devenir, presque, une expérience sociale de la couleur », explique Marjolaine Lévy. Visibles sur des supports lenticulaires, qui immergent les spectateurices à la fois dans une expérience méditative et mouvante, ces œuvres minimalistes misent sur une forme d’essentialisme et d’impact de l’image avant toute chose. Il se peut qu’au cours de leur contemplation, certain·es spectateurices, chanceux·ses, aperçoivent le rayon vert qui donne son nom au projet.

« C’est une manière très originale de nous rappeler qu’il peut y avoir des points de vue différents d’une même image », déclare Hervé Digne, membre du jury. Une seule et même image peut ainsi renouveler sans cesse l’expérience de la perception. C’est cette richesse que donneront à considérer les diverses installations – dont la scénographie sera rejouée à chaque fois – au Cloître Saint-Trophime au moment des Rencontres d’Arles, puis à Paris + par Art Basel, et enfin, au salon Paris Photo. À défaut de trouver ce fameux rayon vert, les visiteurices sauront apprécier ces couches de couleurs variées qui formeraient presque les lignes qui composeraient les vers d’un poème. 

À lire aussi
BMW ART MAKERS : la Camargue rémanente d’Eva Nielsen et Marianne Derrien
BMW ART MAKERS : la Camargue rémanente d’Eva Nielsen et Marianne Derrien
Eva Nielsen et Marianne Derrien, l’artiste et la curatrice lauréates de la deuxième édition du Prix BMW ART MAKERS, ont ouvert les portes…
19 avril 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
BMW ART MAKERS : les fantômes architecturaux d'Arash Hanaei et Morad Montazami
BMW ART MAKERS : les fantômes architecturaux d’Arash Hanaei et Morad Montazami
Arash Hanaei et Morad Montazami, les premiers lauréats du prix BMW ART MAKERS, ont dévoilé leurs créations spectrales et numériques à…
29 juillet 2022   •  
Écrit par Apolline Coëffet
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
Explorez
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
© Jana Sojka
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter les préoccupations de notre époque. Parmi les motifs qui reviennent fréquemment se...
20 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
© Ellie Carty / Instagram
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
Les journées rallongent, les rayons du soleil transpercent les nuages, les feuilles renaissent sur les arbres nus, les fleurs montrent le...
18 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
Croissant de lune © Etienne Francey
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
La Fisheye Gallery accueille le jardin imagé du photographe suisse Étienne Francey du 6 mars au 5 avril 2025. Intitulée Florescence...
01 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
© Fee Gloria Groenemeyer
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
Du 6 au 9 mars 2025, le PhotoVogue Festival présentera sa 9e édition à Milan. Fidèle à son approche de la photographie de mode...
27 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
The Tower © Xiaofu Wang
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Frida Forever : interroger le validisme en images
© Frida Lisa Carstensen Jersø Fisheye
Frida Forever : interroger le validisme en images
Le livre Frida Forever de Frida Lisa Carstensen Jersø explore la vie avec une maladie chronique entre autoportraits et mises en scène....
27 mars 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Algorithmes 
sous influence
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Algorithmes 
sous influence
Autrefois dominé par les magazines et les photographes, le secteur de la mode s’est transformé sous l’impulsion...
27 mars 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Unprofessional © Matilde Ses Rasmussen
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant
qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
26 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas