« Le cliché du marcassin était complètement modifié, devenu hybride. On peut supposer que l’action de la toxicité de ces algues a entamé la matière photographique »
Cette semaine, plongée dans l’œil d’Alice Pallot. À la frontière de l’art et de la science, la photographe française s’intéresse aux problématiques environnementales et met en exergue les actions dévastatrices de l’être humain sur la nature. Pour Fisheye, elle revient sur l’une de ses expériences réalisées en 2022 dans le cadre de la Résidence 1+2 avec le Centre Wallonie-Bruxelles.
« Cette photographie intitulée Marcassin hybride, cyanobactéries est issue de la série Algues maudites, a sea of tears. Au CNRS Occitanie-Ouest, j’ai réalisé des cultures d’algues cyanobactéries, connues pour leur toxicité, poussant sur l’image d’archive d’un marcassin mort asphyxié par le gaz H2S en 2011 dans l’estuaire du Gouessant. Les archives proviennent d’Yves-Marie Le Lay de l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre. Cette image a été plongée pendant trois semaines dans des boîtes de Petri au Laboratoire Écologie Fonctionnelle et Environnement, les algues ont ainsi évolué et poussé sur les différents tirages. Une fois l’expérimentation achevée et mes photos réalisées, j’ai rangé le laboratoire, car je terminais ma résidence. J’ai alors enlevé le tirage de la boite de Petri. Le cliché du marcassin était complètement modifié, devenu hybride. On peut supposer que l’action de la toxicité de ces algues a entamé la matière photographique. L’expérimentation peut à mon sens nous aider à comprendre le monde dans lequel on évolue et à rendre visibles des choses qui sont imperceptibles. En avril 2024, je présenterai une exposition dans le cadre des 30 ans de la Villa Perochon, mettant en scène cet accident scientifique. »