Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, Alice Pallot nous ouvre les portes de son imaginaire aussi engagé que poétique. À travers ses inspirations et ses créations, l’artiste ne cesse d’explorer notre société et de questionner l’impact de l’être humain sur les dérèglements de la planète.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Je choisirai From the eyes of a seaweed qui permettrait à mon sens de comprendre que l’idée d’empathie et d’anticipation d’un futur proche est importante pour créer une forme de synergie collective.
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ?
Il s’agit d’une des images de Almerisa Sehric de Rineke Dijkstra. Cette série documente comment la jeune fille évolue au fil des années. La photographe a rencontré Almerisa Sehric dans un centre de réfugiés pour demandeurs d’asile bosniaques aux Pays-Bas, en 1994. Elles décrivent chacune l’expérience de leur première photographie, ensemble, et discutent de la manière dont la série évolue au cours de la vie d’Almerisa.
J’ai découvert cette série en 2005, au Jeu de Paume. Cela a été le déclencheur à ma volonté de devenir photographe, j’avais 10 ans. J’ai été touchée par son double point de vue, entre le contexte général, la simplicité des compositions et en même temps quelque chose qui relève d’une puissance de la sphère individuelle.
Un shooting rêvé ?
Une résilience/renaissance d’un lieu abîmé par une action anthropique, qui se régénère de manière visuelle et photogénique et qui serait le symbole de la fin d’une ère comme celle de l’Anthropocène et du capitalisme morbide.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Pierre Huygue, pour son rapport synergique avec le vivant, sa vision singulière, expérimentale et immersive de l’exposition, sa façon de raconter la société en étant narratif et en invoquant une réflexion sur notre action en tant qu’être humain, ainsi que notre trace dans le futur.
Une émotion à illustrer ?
L’empathie.
Un genre photographique ?
Le documentaire d’anticipation.
Un territoire, imaginaire ou réel, à capturer ?
Le territoire abyssal, dans lequel les limules auraient un pouvoir d’invisibilité, leur permettant de disparaître à l’approche des prédateurs humains. La limule est un animal vieux de 450 millions d’années, aujourd’hui en voie d’extinction. Elle est exploitée pour son sang bleu qui est un composant permettant d’élaborer les vaccins. J’aimerais être une petite bulle d’air me faufilant dans le territoire de ces créatures si intrigantes, qui ont connu l’âge de glace, l’asphyxie au carbone, les chutes d’astéroïdes, l’extinction des dinosaures… Et ont survécu.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
La thématique du changement climatique et de son impact, de l’action anthropique de l’être humain sur la nature, basée sur des faits scientifiques, de vulgarisation des connaissances, de désanthropisation du point de vue, de justice environnementale et malgré tout cela, de réinterprétation d’un imaginaire de beauté alertante.
Une exposition photographique que tu n’oublieras jamais ?
Ce serait plutôt une exposition de vidéo immersive : Opera de Dominique Gonzalez- Foerster à la Bourse du commerce, et No More Reality de Philippe Parenno à la Fondation LUMA.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
Le long métrage Les Garçons Sauvages de Bertrand Mandico. Cinq femmes jouent cinq jeunes hommes épris de liberté comme d’un crime sauvage. Les garçons se métamorphosent, de manière sensible, à travers une esthétique fantasmagorique de collage, qui dépeint une société sans hommes à l’écart du monde. Ces possibilités d’un ailleurs si réaliste a fait écho en la construction d’autres mondes auxquels j’aime croire.