Du 7 juillet au 5 octobre 2025, la Fisheye Gallery ouvre son espace arlésien à quatre artistes émergentes : Eloïse Labarbe-Lafon, Anna Muller, Rose Mihman et Nyo Jinyong Lian. Leurs travaux, mêlant différentes pratiques du 8e art, interrogent les frontières entre le réel et la fiction. Elles participent ainsi à redéfinir les contours d’un surréalisme photographique contemporain.
Eloïse Labarbe-Lafon, Anna Muller, Rose Mihman et Nyo Jinyong Lian explorent des territoires sensibles et intimes, parfois troublants. Chacune développe une approche singulière, où la mémoire, l’imaginaire, le subconscient et la fiction deviennent des matériaux de création. À travers leurs œuvres, elles contribuent chacune à leur manière à la redéfinition d’un surréalisme contemporain. À quatre voix, elles conçoivent l’exposition Sous les paupières closes, un rêve collectif qui prend vie à la Fisheye Gallery d’Arles du 7 juillet au 5 octobre 2025. Manipulation sur image, peinture, collage et inspirations tout droit sortie des contes de fées, les artistes s’emparent de l’illusion pour mieux interroger, voire déstabiliser, notre rapport au réel. En parallèle de cette exposition principale, la Fisheye Gallery s’associe à Fringe, galerie d’archives photographiques anonymes, pour présenter une sélection d’images en lien avec la thématique du songe, du costume, du surréalisme et du burlesque. Enfin, une dizaine de films photo Focus, produits par Fisheye, sera projetée en continu dans l’espace de la galerie. Ce format immersif, entre vidéo et podcast, permet de découvrir une série à travers la voix de son auteur·ice, entre récit personnel et expérience visuelle. On y retrouve, entre autres Marine Lanier, SMITH, Anaïs Boudot, Zoé Chauvet ou encore Ulrich Lebeuf.
(Auto)portraits picturaux
Le portrait et l’autoportrait constituent un moyen de révéler les émotions, questionner le corps et sa place entre le réel et l’imaginaire. Eloïse Labarbe-Lafon est une artiste photographe dont le travail interroge la préciosité de l’image-objet. Elle fige des instants sur pellicule argentique noir et blanc, qu’elle transforme ensuite en les colorisant à la peinture à l’huile, appliquée minutieusement au pinceau ou du bout des doigts. Se mettant en scène devant l’objectif, elle confectionne des mondes intimistes à la lisière du fantastique, où le corps devient à la fois la matière, le masque et le récit. Pour l’artiste, le surréalisme est « une manière de déplacer les repères, de faire surgir autre chose dans le cadre. Les images construisent un univers parallèle, chargé, où la réalité est glissante, recomposée. Le corps y est souvent désaxé, dissocié de son environnement, comme pris dans une tension ». Rose Mihman, elle aussi, s’empare des corps et des visages, d’ordinaire les siens. En fin de cursus aux Goblins, la jeune artiste incarne des figures excentriques et chimériques et intègre des objets chinés dans les brocantes – elle a elle-même été antiquaire aux puces de Saint-Ouen. « L’imaginaire est au cœur de ma pratique, soutient-elle. Je m’inspire de mes rêves, de mes fantasmes, de mes lectures et de mes échanges, qui insufflent sans cesse de nouveaux scénarios. » Elle convoque un univers hanté de silhouettes spectrales, de décors poussiéreux, de sensualité vénéneuse, dans une atmosphère rappelant les vapeurs d’absinthe et d’opium de la Belle Époque. Flirtant avec le grotesque, l’absurde et le merveilleux, son esthétique captive autant qu’elle dérange.
Contes de fées et peintre espagnol
Ce surréalisme photographique s’inspire des contes de fées et des peintres pionnier·ères du mouvement artistiques. Nyo Jinyong Lian revisite Les Habits neufs de l’Empereur, écrit en 1837 par Hans Christian Andersen, et compose son projet Trust Me. Elle y révèle les absurdités du quotidien avec humour et étrangeté, interroge les normes sociales, en particulier celles de genre et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Loin d’être une échappatoire, l’imaginaire devient pour elle un outil de lucidité et de critique sociale. « C’est un jeu, certes, mais un jeu qui dévoile les règles invisibles qui nous gouvernent », précise-t-elle. Se concentrant sur des figures féminines ambivalentes, elle aborde avec subtilité des sujets liés à l’intimité, au doute et à l’aliénation. Anna Muller, elle, s’inscrit dans la continuité de mouvement surréaliste, puisant son inspiration dans le travail de Salvador Dalí. Lors de sa résidence au festival InCadaqués, en Espagne, elle imagine une série de collages oniriques et déstructurés, souvent élaborés à partir de photos issues de la mode. Elle détourne des pages de magazines vouées à l’oubli pour leur offrir une seconde vie. Une pratique qu’elle considère comme étant à la fois durable et profondément personnelle. « Je me trouve dans un certain espace, entouré d’éléments et d’images que je sélectionne et combine avec mon cœur, sans aucune logique. À ce moment-là, il n’y a pas de pensée, tout se passe au-delà de ma conscience. Je ressens seulement avec mes tripes, et c’est à travers ces seules sensations que je saisis ce qui se passe », confie-t-elle. Processus presque enfantin, inspiration puisée dans les contes de fées, autoportraits et mise en scène comme rituels d’exploration, autant de démarches portées par le rêve, la fable ou le fantasme conversent en marge des Rencontres d’Arles à la Fisheye Gallery.