Eyes wild open : un autre regard

15 mars 2018   •  
Écrit par Eric Karsenty
Eyes wild open : un autre regard

À Bruxelles, l’exposition Eyes Wild Open réunit un ensemble d’auteurs qui ont tous, à leur époque et à leur manière, choisi de réécrire la photographie. De William Klein à Alisa Resnik en passant par Antoine d’Agata ou les artistes de la revue japonaise Provoke, cette famille de photographes cultive l’art de la disruption. Un article à retrouver dans notre  numéro 29.

« On ne pouvait pas continuer à faire les choses comme avant », affirmait William Klein dans un entretien accordé à Art Press en 2003. Il expliquait ainsi le besoin qui traversait toute une génération d’artistes dans les années 1950 de rompre avec l’existant. Cette volonté de trouver de nouvelles façons d’exprimer le monde autant que leur manière de vivre est une des lignes de force qui traverse l’exposition Eyes Wild Open : Sur une photographie qui tremble. Cette exposition-manifeste rassemble une trentaine de photographes internationaux qui cherchent tous une nouvelle écriture photographique. « C’est cette notion de rupture avec les conventions que je souhaitais analyser avec ce projet, même si la photographie classique et humaniste a continué à produire des œuvres magnifiques », précise Marie Sordat, commissaire d’exposition et photographe, qui a travaillé cinq ans à la réalisation de cet événement.

By the Rivers of Kings, 2008 © Jacob Aue Sobol

Une expérience existentielle

Après la série Love on the Left Bank d’Ed van der Elksen (1953) et les livres New York de William Klein (1956) et Les Américains de Robert Frank (1958), ce sont les membres de la revue Provoke, au Japon, qui, dans les années 1960, manifestent « cette volonté de dynamiter le langage installé, codifié, institutionnalisé, instrumentalisé», détaille Diane Dufour, directrice du BAL, dans l’ouvrage qui accompagne l’exposition. Elle précise également que « la notion d’expérience est centrale pour les photographes de Provoke ». Une expérience existentielle que partagent les auteurs réunis. « Il s’agit ici de rassembler et de mettre en dialogue les œuvres de ces inclassables qui, depuis les années 1950, forment non pas un mouvement mais ce qu’on pourrait qualifier de famille. Une famille éclatée, certes, car aux liens, aux rhizomes multiples, aux langages divers, mais dont les membres participent tous d’un même mouvement », analyse la journaliste Caroline Bénichou, qui signe le texte d’ouverture de l’exposition. Cette dernière déploie d’ailleurs une scénographie « construite pour que, quoi qu’on regarde d’un mur à l’autre, on puisse avoir une perspective avec un autre photographe en parallèle. Il s’agissait pour les deux scénographes, Alexandra Delabie et Mike Derez, de faire résonner visuellement les travaux sans pour autant proposer un parcours strictement historique ou didactique », explique la commissaire Marie Sordat.

Ainsi, les associations de différentes natures y sont légion et vont traverser les frontières: les Suédois (Christer Strömholm, Anders Petersen et JH Engström) y affirment les liens qui les rassemblent, tout en faisant écho aux photographes japonais (Daido Moriyama, Takuma Nakahira et Miyako Ishiuchi). Mais le dialogue devient choral en s’invitant aussi au Portugal (Paolo Nozolino), en France (Antoine d’Agata, Dolorès Marat, Klavdij Sluban, Gilles Roudière ou Gabrielle Duplantier, entre autres), en Corée du Sud (Jehsong Baak), en Israël (Michael Ackerman), en Russie (Alisa Resnik), aux Pays-Bas (Ed van der Elsken), en Turquie (Yusuf Sevinçli), en Finlande (Arja Hyytiäinen), en Belgique (Sébastien Van Malleghem), en Inde (Sohrab Hura), sans oublier la Suisse (Robert Frank) et les États-Unis (William Klein)… Une conversation qui traverse plusieurs générations de photographes dont les écritures singulières se nourrissent les unes les autres.

Sans titre, 2012 © Charpentier

Sans titre, 2012 © Charpentier

Life is Elsewhere, 2011 © Sohrab Hura

Life is Elsewhere, 2011 © Sohrab Hura

Volta, 2014 © Gabrielle Duplantier

Volta, 2014 © Gabrielle Duplantier

Good Dog, 2006 © Yusuf Sevinçli

Good Dog, 2006 © Yusuf Sevinçli

Close Distance, 2002 © Anders PetersenAlbanie, 2010 © Gilles Roudière

À g. Close Distance, 2002 © Anders Petersen, à d. Albanie, 2010 © Gilles Roudière

À lire :

Eyes Wild Open : Sur une photographie qui tremble, André Frère Éditions, 39,50 €, 240 pages.

 

À voir :

Eyes Wild Open, sur une photographie qui tremble

Jusqu’au 22 avril 2018

Musée Le Botanique

Rue Royale 236, à Bruxelles

 

L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #29, en kiosque et disponible ici.

Explorez
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
© Rineke Djikstra
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
Imaginé dans le cadre d’une résidence à la Maison européenne de la photographie (MEP), Photo Against the Machine est un ouvrage...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
© Devin Yalkin, Until Dawn.
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
18 décembre 2024   •  
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
© Ali Kazma / Courtesy Francesca Minini, Milan
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
Les fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion de passer du temps avec nos proches, de nous reposer et de trouver les nouvelles...
16 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Service à bord d’une voiture-restaurant du train Capitole, 1966. © Fonds de dotation Orient Express
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux mondes. À cet effet, la rédaction...
13 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger