Connu pour sa photographie de rue insolite, l’artiste chinois Feng Li présente à travers Pig un aspect plus intimiste de son existence. Paru aux éditions Note Note, ce livre singulier rend un hommage touchant à son animal de compagnie peu commun : un cochon.
Installé à Chengdu, en Chine, Feng Li excelle dans l’art de capturer l’incroyable dans le quotidien. Situations absurdes, scènes irréelles… Au premier regard, les clichés de l’artiste semblent inventés de toutes pièces, et c’est pour cette raison qu’il tient à les photographier. « J’ai toujours vécu des choses étonnantes dans ma vie. Je ne pourrais raconter à personne mes aventures sans la preuve apportée par les photos », explique-t-il. Le plus souvent capturées dans la rue, les images de Feng Li marquent pour leurs compositions audacieuses, leurs angles inattendus et l’utilisation captivante du flash. Toutes ces caractéristiques propres au travail distinctif du photographe se réunissent dans Pig, son dernier ouvrage. À un détail près, les visuels n’ont pas été saisis dans le terrain de jeu urbain habituel de l’artiste, mais dans sa maison. Véritable ouverture sur son intimité, ce livre compose un touchant récit sur les liens qu’unisse un être humain à son animal de compagnie.
La couverture rose layette dévoile en son centre un étrange groin. Une fois le livre ouvert, les lecteurices peuvent faire la connaissance de Pig Feng Jr, le cochon de compagnie de Feng Li depuis sept ans déjà. « Nous avons adopté par hasard ce cochon abandonné. À l’époque, il n’était pas plus gros qu’un chat. Au début, nous voulions simplement l’adopter temporairement, car il n’était pas pratique d’élever un cochon dans un grand immeuble en ville, mais plus il grandissait, plus nous étions réticent·es à l’envoyer ailleurs, car nous savions qu’il serait tué », se remémore le photographe autodidacte. Pesant désormais plus de cent kilos, le cochon cohabite depuis tout petit avec d’autres animaux adoptés par la famille de Feng Li, cinq chats et un gros perroquet. « Ils sont comme mes enfants, je suis heureux de passer chaque jour avec eux. Leur arrivée a été aussi pleine de surprises que mes propres photos, une bénédiction de Dieu. Malheureusement, le perroquet et le chat noir ne sont plus avec nous. Chaque fois que je les regarde dans le livre, je ne peux m’empêcher de pleurer », confie le photographe.
Un membre de la famille
L’empathie qui anime Feng Li et l’amour qu’il porte à ses animaux dégoulinent au fil des pages. Et bien que ses images peuvent marquer pour leur caractère comique, elles illustrent avant tout les liens indéfectibles qu’unissent un cochon à son sauveur. À l’instar d’un album de famille, le photographe autodidacte souhaite enregistrer « les beaux moments de la croissance de chacun ». Alors qu’une majorité des personnes imaginent le cochon tel un animal paresseux et peu intelligent, Feng Li désire prouver le contraire. Au fil des clichés, Pig Feng Jr apparait comme un animal tendre, rusé et sachant comment interagir avec les êtres humains. En Chine, le cochon a tout de même une symbolique bien différente. Synonyme de gentillesse, il fait partie des douze animaux du zodiaque chinois.
En utilisant l’humour pour explorer un thème profond, Feng Li défie notre imagination comme peu d’artistes savent le faire. « Je n’ai jamais reçu de formation en photographie. Je ne comprends pas l’art, mais je comprends ce qu’est la vie et ce qu’est le monde dans lequel nous vivons. Je pense que c’est suffisant, la vie nous enseigne tout », ajoute-t-il modestement. Plus qu’un simple recueil de photographies, Pig vous transportera dans une histoire à la forme loufoque et au fond attendrissant et vous permettra d’observer d’un nouvel œil la relation entre les gens et leur environnement. « Dans mes photos, les animaux sont des êtres anthropomorphes, et il y a beaucoup d’animaux et de plantes dans ce monde qui méritent notre respect », conclut avec justesse Feng Li.