Après les cigognes : le puzzle familial de Vanessa Kuzay

10 février 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Après les cigognes : le puzzle familial de Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay

À la quête de ses racines polonaises, Vanessa Kuzay dévoile un récit empli de mélancolie avec, pour protagoniste, son fils. Dans Après les cigognes, la photographe française construit des souvenirs manqués et compose une délicate histoire aussi intime qu’universelle. 

Alors qu’elle venait de donner naissance à son fils, désormais âgé de dix ans, Vanessa Kuzay se voit submerger par des instants de doute et de fragilité. Les repères s’égarent, elle se retrouve complètement déboussolée. Afin d’exprimer certaines émotions qu’elle ne parvient pas à verbaliser, elle s’essaye à la photographie. « Dans ces moments, j’ai pensé à ma grand-mère paternelle que je n’ai pas connue. Elle est morte brutalement lorsque mon père était tout jeune adolescent. Mère à mon tour, je me suis souvent demandé ce que je pouvais avoir en commun avec elle, ce qui pouvait nous relier à travers le temps et les lieux », se remémore l’artiste marseillaise qui travaille dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel. En 2017, Vanessa Kuzay part en Pologne et en Isère pour immortaliser les endroits où avait vécu sa grand-mère. Au fil des années, alors qu’elle se situait dans une démarche documentaire, la photographe emprunte un autre chemin. 

« Au cours d’une masterclass de Claudine Doury avec l’Agence VU’, j’ai pu réaliser que derrière cette quête, c’était bien le sujet de la maternité et du lien avec mon fils que je voulais développer », assure-t-elle. De ce constat, nait la série Après les cigognes, elle précise : « C’est comme si je partais avec mon enfant rendre visite à son arrière-grand-mère et finalement comme s’il devenait mon guide dans un passé qui nous est inconnu à tous les deux. » En mettant en scène son propre fils, Vanessa Kuzay livre un récit profondément intime, mais offre une lecture collective touchante sur les liens unissant une mère à ses enfants. Nos regards se laissent bercer par une douce mélancolie visuelle et nos émotions se bousculent. Le médium se transforme alors en un outil thérapeutique et lui permet de traduire ses états d’âme les plus intenses. 

© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay

Un album de famille

En faisant le choix d’abandonner les fantômes du passé, Vanessa Kuzay se connecte au présent et crée des souvenirs impérissables avec son enfant. Dès 2022, elle retourne en Pologne, mais, cette fois-ci, en s’éloignant du village natal de sa grand-mère dans un objectif précis : immortaliser ce pays de façon fantasmée et imaginaire. « Au lieu de me focaliser sur les pages absentes de mon album de famille, j’ai compris que j’avais mon propre album à construire », confie-t-elle. Au cours des voyages, l’artiste veille à dénicher des logements où le temps semble s’être arrêté, s’apparentant alors à de vieilles maisons de famille où un tas de souvenirs peuvent prendre vie. « Ce type d’endroits ne manquent pas. Avec mon fils, on se racontait souvent des histoires de fantômes. Le soir tombant, il s’amusait à partir à leur recherche. Finalement, prise à mon propre jeu, j’ai passé quelques nuits blanches sous la couette, effrayée par le moindre craquement, tandis qu’il dormait paisiblement », se souvient Vanessa Kuzay. 

Le silence prédomine dans l’univers visuel de l’artiste, et pourtant, loin de l’agitation d’un milieu urbain, elle arrive à écrire un récit chaleureux faisant écho à de nombreuses autres histoires. Inspirée de ses ancêtres, Vanessa Kuzay a pu se libérer des songes du passé et construire, à son tour, ses propres souvenirs. « J’ai accouché le mois dernier d’un petit garçon, je suis en effet tombée enceinte juste après avoir terminé cette série au titre finalement prémonitoire. Ce projet m’a en quelque sorte réconciliée avec ma maternité », confie l’artiste. Un accomplissement touchant pour celle qui s’est intéressée à la photographie grâce aux archives de ses grands-parents maternels. 

© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay

© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay
© Vanessa Kuzay

© Vanessa Kuzay
À lire aussi
Mettre en image la famille : des histoires de pertes et de retrouvailles
© Ashley Markle
Mettre en image la famille : des histoires de pertes et de retrouvailles
Parmi les sujets abordés sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouvent les liens familiaux En cette période…
28 décembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus #42 : Ulrich Lebeuf et ses fantômes de famille
Focus #42 : Ulrich Lebeuf et ses fantômes de famille
C’est l’heure du rendez-vous Focus de la semaine ! Aujourd’hui, lumière sur Ulrich Lebeuf. Le photographe français a imaginé Spettri di…
12 avril 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les albums de famille picturaux d'Agathe Berjaut
Les albums de famille picturaux d’Agathe Berjaut
Dans les carnets symboliques d’Agathe Berjaut, l’enfance en famille nous inonde de lumière. Maniant remarquablement la peinture et la…
03 octobre 2022   •  
Écrit par Ana Corderot
Explorez
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
© Taras Bychko
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
Dans Where Paths Meet, Taras Bychko compose un patchwork d’instantanés et d’émotions pour définir les contours de l’émigration. Pour ce...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d'hôtel : dans la photothèque d'Éloïse Labarbe-Lafon
Diane et Luna, 2023 © Eloïse Labarbe-Lafon
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d’hôtel : dans la photothèque d’Éloïse Labarbe-Lafon
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
12 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
© Kianuë Tran Kiêu
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
Kianuë Tran Kiêu fait de l’art un espace de connexion et de transmission où la vulnérabilité devient une force. Chaque projet est une...
24 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
© Nick Prideaux
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les thématiques...
14 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Xiaofu Wang et le récit d'une tour, symbole d'un passé nostalgique
The Tower © Xiaofu Wang
Xiaofu Wang et le récit d’une tour, symbole d’un passé nostalgique
Arrivant à Belgrade pour rendre visite à un·e ami·e, la photographe sino-australienne Xiaofu Wang, alors étudiante à la Ostkreuzschule –...
18 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
© Ellie Carty / Instagram
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
Les journées rallongent, les rayons du soleil transpercent les nuages, les feuilles renaissent sur les arbres nus, les fleurs montrent le...
18 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
11 livres de photographie à découvrir ce printemps !
© Dorian Prost
11 livres de photographie à découvrir ce printemps !
Le printemps peut être l’occasion de se plonger dans de nouveaux univers, qu’ils soient tirés de la réalité, issus de mondes fictifs ou à...
17 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #536 : Thomas Hammoudi et Émilie Delhommais
© Thomas Hammoudi
Les coups de cœur #536 : Thomas Hammoudi et Émilie Delhommais
Thomas Hammoudi et Émilie Delhommais, nos coups de cœur de la semaine, puisent leur inspiration dans le monde extérieur. Le premier sonde...
17 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet