Créé il y a un an par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la parole de leur auteurice. Cette narration originale à travers une mosaïque d’images et un habillage sonore nous entraîne dans un parcours immersif aussi sensible que stimulant.
Rhiannon Adam
Coup de coeur d’Apolline Coëffet
C’est entre les pages d’un livre que lui avait offert son père que Rhiannon Adam découvre l’existence de Pitcairn, l’île la plus isolée au monde. D’abord habitée par des mutins britanniques en quête d’un coin de paradis, elle est désormais peuplée d’une cinquantaine de personnes et abrite d’autres histoires, beaucoup plus sordides… En 2004, une série de procès a étudié 55 accusations de crimes sexuels portées contre des hommes de l’île. À l’âge adulte, marquée par ces récits, la photographe irlandaise décide de se rendre sur place pour mener son enquête. Dans Big Fence, elle nous plonge dans l’atmosphère oppressante qui règne en ces lieux. Là-bas, toutes les filles sont perçues comme de potentielles épouses quand les moindres faits et gestes sont épiés par le voisinage. Si, ici, l’artiste donne vie à l’imaginaire qu’elle cultivait enfant, elle met également en lumière l’aspect plus sombre que cachent certains contes de fées.
Mathieu Farcy
Coup de coeur de Lou Tsatsas
Au coeur de ce Focus, une démarche intéressante : celle d’une série coréalisée par le photographe et ses modèles. Dans Je n’habitais pas mon visage, Mathieu Farcy met à l’épreuve sa volonté la plus chère : « Arrêter de faire des sujets sur quelque chose et privilégier des sujets avec », confie-t-il. Un projet de longue haleine où se croisent diverses écritures, diverses trajectoires : confessions, explorations visuelles, mises en scène intimes ou abstraction totale. Une multitude de créations cherchant à capturer la souffrance de cinq modèles partageant une douleur commune : tous et toutes ont entrepris une chirurgie de la face. De ce cosmos sensible émanent des fulgurances poétiques qui touchent en plein coeur, ainsi qu’une évidence : « Faire de l’art en commun, c’est permettre aux gens de choisir et non de subir la manière dont on les représente », conclut le photographe.
Tania Franco Klein
Coup de coeur de Milena Ill
Dans l’un des premiers Focus, la Mexicaine Tania Franco Klein nous avait présenté ses errances le long des routes californiennes. Malicieusement intitulé Proceed to the route, d’après la petite voix du GPS qui l’a un jour sommé de suivre un itinéraire qu’il lui était impossible de suivre, cette série interroge le rêve contemporain et les séquelles qu’il génère dans notre psyché et notre vie quotidienne. Sommes-nous vraiment aussi libres que nous le pensons ? Comédienne dans l’âme, Tania Franco Klein vit avec intensité les personnages qu’elle imagine et possède toujours plus d’un accessoire dans son sac. Obsédée par la mise en scène, son travail aux allures cinématographiques offre des clichés splendides, à l’élégance intemporelle, toujours baignés d’une lueur surnaturelle.