Dans Metamorphosis, Claudia Fuggetti compose les interférences artificielles qui existent entre le monde humain et la nature. Sa préoccupation pour le changement climatique l’a conduite à créer des images qui semblent provenir d’un univers parallèle, tout en conservant une réalité terrestre. Ainsi, elle dénonce la manière dont nous interagissons avec nos environnements et dont nous consumons notre planète.
« L’art a le pouvoir de susciter la réflexion et de changer les perspectives » affirme Claudia Fuggetti. C’est en suivant ce précepte que l’artiste italienne, consciente de la crise environnementale, débute sa série Metamorphosis. Dès son adolescence, elle est profondément marquée par le contraste entre la beauté de la nature et la pollution industrielle planant dans l’air. Cet oxymore va influencer et guider son travail vers des couleurs vibrantes et psychédéliques et vers l’utilisation de la technologie dans un but de chambouler les perceptions traditionnelles de la réalité. « Je voulais remettre en question la manière dont nous considérons souvent la nature comme séparée de l’humain, en m’interrogeant sur comment nous interagissons avec elle et comment nous en prenons soin, explique-t-elle. L’usage des couleurs éclatantes souligne à la fois la beauté de la nature et l’artificialité de notre relation consumériste avec elle. » L’autrice puise alors dans un référentiel d’inspiration, allant de la musique à la philosophie et en passant par le cinéma et la littérature. « Je suis fascinée par les états modifiés de la perception depuis la lecture du livre Les portes de la perception d’Aldous Huxley, avoue Claudia Fuggetti. Cela a notamment orienté ma façon de conter les histoires visuellement. » Entre réel et imagination, expérimentations et manipulations digitales, un monde étrange se dessine. Un monde dans lequel l’humain paraît superflu. Les couleurs violettes, fuchsia et vert fluo, ainsi que les lumières éblouissantes provenant de l’utilisation de flash attestent d’une présence humaine toxique dans le paysage.
Le virus de la main humaine
« Les couleurs de Metamorphosis sont délibérément vibrantes, presque artificielles, reflétant à la fois la vitalité de la nature et l’interférence de l’humanité avec elle », soutient Claudia Fuggetti. En combinant des techniques analogues et des gélatines colorées sur le flash, des virus se forment sur ses photographies. « Ils symbolisent l’intrusion de la technologie et l’impact des êtres humains sur l’environnement. Ces formes reflètent l’idée d’une nature “infectée” par notre ingérence, que ce soit par la pollution industrielle ou l’ère numérique », raconte l’artiste. L’organique et le synthétique s’entremêlent dans une métamorphose optique et révèlent l’aliénation entre l’organique et la nature. « Les figures humaines de mon travail semblent déplacées, comme si elles n’étaient pas à leur place. Elles témoignent notre éloignement de la nature, ajoute-t-elle. En même temps, elles représentent notre lien profond avec elle, mais d’une manière qui est distante et oubliée, comme si nous avions perdu cette attache. » Si les virus se propagent, si les conditions écologiques se dégradent, la vie persiste. La nature s’adapte, se transforme, se régénère de manière innée. Elle refuse de se soumettre à la servitude de la main humaine. Claudia Fuggetti propose alors une nouvelle imagerie de cette terre résistante, qui, malgré la violence qu’elle subit à coup de pollution industrielle, accueille encore la présence du vivant. Face à l’évolution des territoires, autant provoquée par la crise climatique que par la modernité, la photographe italienne souhaite aller encore plus loin dans son travail artistique. En collaboration avec un collectif créatif, elle s’est engagée dans la création d’une archive en libre-service sur la ville natale, Taranto. « C’est pour préserver l’authenticité du lieu avant qu’il ne soit homogénéisé par le développement urbain moderne », conclut-elle.