Le handicap vu par les photographes de Fisheye

Le handicap vu par les photographes de Fisheye
© Lucie Hodiesne Darras
Corolle radicantes © Sarah Seené

Enjeux sociétaux, troubles politiques, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur nos pages ne cessent de raconter, à travers l’image, les troubles de notre monde. À travers des prismes différents, des angles, des regards, des pratiques variées ils et elles se font les témoins d’une contemporanéité en constante évolution. Ce mois-ci, nous avons souhaité revenir sur des travaux explorant la notion de handicap, et ses conséquences sur celleux qui le vivent au quotidien. Une manière pour les artistes publié·es sur fisheyemagazine.fr de faire intervenir les notions d’acceptation de soi, de regards des autres et l’envie de lever le tabou. Lumière sur quatre d’entre elleux : Sarah Seené, Mari Katayama, Mathieu Farcy et Lucie Hodiesne Darras.

Sujet qui gêne, souvent laisser dans un coin, le handicap prend bien des formes et redéfini l’intimité de celleux qui le vivent. Il est difficile dans les sociétés actuelles de s’émanciper des préjugés et des idées préconçues qui vivent en chacun·e de nous à l’heure d’évoquer le handicap. Encore très peu reconnu et pris en compte, il se confronte à toute sorte de discrimination, un manque d’accessibilité dans nos villes, une adaptabilité sociale intellectuelle très peu promue… Les personnes en situation de handicap qu’il soit physique ou mental, peinent à être totalement intégrés par les systèmes sociétaux. Il faut prendre en considération tous ces paramètres pour apprécier d’autant plus le travail des artistes qui mettent en lumière les premier·ères conserné·es tout en respectant leur ressenti.

Dans son livre Lilou, publié aux Éditions Fisheye, Lucie Hodiesne Darras sublime le quotidien de son grand frère autiste Antoine. Un ouvrage criant de vérité qui prône l’espoir et l’optimisme sous le regard bienveillant que porte la photographe à son aîné. Elle le suit au rythme de sa vie et de ses rituels, en l’écoutant, sans jamais le brusquer donnant lieu à des clichés d’une honnêteté stupéfiante. Un conte monochrome moderne qui remet le handicap mental dans les discussions sociales.

Mais au-delà du handicap mental, les artistes publiés dans Fisheye ont aussi abordé la question du handicap physique. Dans notre épisode Focus #20, Mathieu Farcy permet à des hommes et femmes de se reconnecter avec leur histoire et leur visage. Dans son projet Je n’habitais pas mon visage, il rend la parole à celleux dont il tire le portrait. Atteints d’un cancer du visage qui les a laissé défigurer, iels reprennent le contrôle de leur apparence et décident de ce qu’iels veulent montrer d’eux. L’artiste met un point d’honneur à « permettre aux gens de choisir pour eux-mêmes, et non de subir la manière dont on pourrait les représenter ».

Il en va de même pour le travail de Mari Katayama : un corps polymorphe. L’artiste propose un autoportrait intimiste. Dans ses images, le corps se redécouvre et s’expérimente. Née avec une maladie rare, la photographe s’est vue, à l’âge de neuf, prendre la décision d’amputer ses jambes. Depuis, c’est à travers son art qu’elle parvient à reprendre un total contrôle sur son corps en le mettant en scène dans différents paysages. Son œuvre semble nous dire que l’acceptation passe avant tout par la réconciliation avec soi-même.

Un point que soulève Sarah Seené dans sa série photographique Corolles radicantes où elle interroge le rapport au handicap à travers des clichés de corps féminins amputés. Son projet envoûtant vient remettre en cause de manière poétique la vision et les préjugés en mettant « en lumière les corps que la société s’affaire à mettre sous le tapis. Qu’elle montre de manières pathétique et misérabiliste. Les handicaps font partie des angles morts du regard social ». Tout comme ses confrères et consœurs, elle fait de son art un territoire sans jugement, où chacun·e est libre de choisir la manière dont iel est représenté·e aux yeux du monde.

© Lucie Hodiesne Darras
Corolle radicantes © Sarah Seené

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