De la pointe des cimes à l’œil d’un cheval ou d’un loup, Léna Maria, photographe du tellurique et du sensible, poursuit son exploration des sentiers féministes et libérateurs dans deux séries, La Voix du Feu et Fauve, à la recherche de l’expérience la plus juste.
Que la couleur explose, qu’une ligne – chemin de crête ou arête montagneuse – la découpe, que les feuillages des arbres, les pelages des bêtes, les os, les bois, la chaleur laiteuse d’un corps, le bleu, l’ocre et le vert, se mélangent. Que les photographies racontent le rythme interne, la song line (les itinéraires chantés des aborigènes australien·nes, ndlr), cachée et visuelle, d’un conte ou d’une épopée. Léna Maria poétise, au sens grec du terme. Elle recrée un monde en commençant par son paysage. « J’ai une connexion aux éléments, à la nature, très intense, l’impression d’avoir un dialogue permanent avec eux. Pour réaliser des images, je dois sentir le terrain, entrer au cœur de la topographie » résume-t-elle. Influencée par les écrits féministes, « Virginia Woolf, Marielle Macé, Chloé Delaume, Annie Ernaux, Monique Wittig et tant d’autres », la photographe cherche, à travers ses images, la juste manière de définir un sentier partagé avec ces femmes qui l’inspirent. Dans la continuité de La Voix du Feu qui revisitait le conte d’Eurydice avec une perspective féministe, Fauve est construite autour de la figure de Kali, déesse hindoue rattachée à la destruction, mais ici, symbole du renouveau et d’affranchissement. En témoignent les fruits écrasés et sanglants, les mâchoires blanchies qui disent les destructions nécessaires aux genèses. L’occasion, aussi, de photographier des femmes connectées au vivant – corps à demi-immergés, ou dos trempés de gouttes – au cœur d’une nouvelle mythologie et des paysages qu’elle dessine. « Dans ces deux séries, il s’agit d’histoires de celles qui refusent de s’enfermer. Elles agissent avec l’intention puissante et la force vive d’aller vers quelque chose qui leur ressemble », conclut Léna Maria.