Yeegin Choo et Alessandro Silverj, nos coups de cœur de la semaine, pratiquent tous deux une photographie crue et tourmentée, qui emploie le noir et blanc pour susciter un sentiment d’étrangeté. Si le premier met en scène la construction de l’individu par rapport à la société, le second invite davantage à un voyage dans les profondeurs de l’être hors de l’espace et du temps.
Yeegin Choo
Également connu sous le nom de Doux, Yeegin Choo ne se considère pas comme un photographe, mais plutôt comme un « écrivain qui utilise des images ». Âgé de 22 ans, l’artiste chinois désormais installé aux Pays-Bas ne cesse de documenter son quotidien et ses rêves à l’aide de mots et de photos. « C’est peut-être lorsque j’ai déménagé dans un pays étranger que j’ai réalisé les limites de l’expression dans ma langue maternelle. Mon langage est alors progressivement passé des mots aux images, et j’ai souvent eu tendance à m’exprimer uniquement par le biais de visuels. Cette transition est due à des changements d’environnement culturel et à une reconstruction identitaire », confie-t-il. À travers ses clichés, Yeegin Choo explore les espaces, les relations intimes et surtout les frontières pouvant s’ériger entre les individus et la société. Alors que certaines de ses photographies affichent une instantanéité intrigante, d’autres présentent des mises en scène corporelles en noir et blanc. Bien qu’il crée un univers pluriel, l’écrivain visuel se laisse constamment guider par sa sensibilité et sa « perception aiguë de la vie et des gens ». Il conclut : « Tout est accidentel. Notre existence est accidentelle et tout ce qui se passe dans le monde est accidentel. Tout va disparaitre, et ce dont je me souviens, c’est de ce que j’ai. »
Alessandro Silverj
C’est au cours de son voyage à travers les arts, la philosophie et la littérature classique que Alessandro Silverj, né à Rome, découvre et adopte la photographie comme moyen d’expression et d’exploration. Devenue « le cœur battant de (s)a créativité » et l’ayant aidé à traverser une période difficile de sa vie, sa pratique se distingue par une dimension autobiographique profonde et authentique. Influencé par la poétique des japonais·es Rinko Kawauchi et Daido Moriyama, on retrouve dans son œuvre un univers chaotique, oscillant entre le réel et l’illusoire, peuplé de personnages étranges. En fusionnant des techniques argentiques en noir et blanc et en couleur, il reconstitue ce qu’il définit comme « l’essence de l’âme humaine », le miroir de l’intériorité – révélateur des vérités et peurs profondes, dissimulées au cœur de son propre monde intérieur. En ce sens, la photographie, « ce délicat ballet », comme il la désigne, devient un outil d’affront courageux de soi-même.