Maya Inès Touam : vers un nouveau vocabulaire visuel

18 septembre 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Maya Inès Touam : vers un nouveau vocabulaire visuel
© Maya Inès Touam
© Maya Inès Touam

Du 14 septembre au 28 octobre, la galerie Les Filles du Calvaire à Paris accueille Les Choses qui restent, une exposition de Maya Inès Touam. L’artiste franco-algérienne partage une vision personnelle de l’histoire de l’art occidental et aborde la complexité de son héritage, tiraillé entre deux cultures. Par ses compositions, elle donne vie à un nouveau vocabulaire visuel, enfant des diasporas.

Maya Inès Touam renverse tous les codes. L’artiste et photographe franco-algérienne a donné vie à un univers narratif foisonnant en s’appropriant joyeusement des symboles de l’art occidental. Formée en France, elle exprime toute la complexité de son vécu d’enfant d’immigré·es, qui traduit une vie entre-deux rives de la Méditerranée. L’interprétation qu’elle propose de l’art occidental nous confronte à une relecture de notre histoire par le regard de celles et ceux à qui la colonisation l’a imposée comme un récit universel. Avec l’exposition Les Choses qui restent aux Filles du Calvaire à Paris, l’artiste nous plonge dans son langage, allant de l’iconographie religieuse aux expérimentations colorées du fauvisme — en renversant les codes du sacré à la faveur du profane. Si on voulait résumer la démarche de cette artiste iconoclaste, elle se situe à la croisée entre la peinture et la photographie et fait dialoguer ces deux médiums en façonnant des tableaux aux mises en scène précises. Grâce à des habiles compositions de couleurs et de textures, elle invente un folklore composite, qui détourne l’histoire de l’art et en fait un jeu de représentations. Une quête d’identité qui est un subtil mélange d’ironie et de recherche mythologique personnelle : « Une esthétique de la co-présence, une co-existence des cultures » comme l’écrit l’historienne Taous Damani. 

L’histoire de l’art détournée par les diasporas

Dans sa démarche, Maya Inès Touam ne demande la permission de personne. Elle emprunte sans peur les traditions de l’art académique, celui qui envahit les livres d’histoire au détriment de récits silenciés, et les détourne. Il en résulte une vision nouvelle de l’héritage européanocentré, réinterprété par les enfants des diasporas à l’aune de l’histoire coloniale et des souffrances du déracinement. L’œuvre d’Henri Matisse fait l’objet des expérimentations les plus audacieuses de l’artiste et photographe. Pour la série « Replica », elle se plonge dans l’œuvre du peintre, dessinateur et graveur français (1869-1954). Elle renverse les motifs : Ananas et joujou (2020) répond à Ananas et Anémones (1940) ; Icare, le revenant (2020) fait écho à Icarus (1943-47) et L’enfance, la mer (2020) évoque Polynésie, la mer (1946). Le continent africain s’invite chez Matisse comme « un hommage impertinent », selon les mots de Taous Damani. Pour Allégorie de la maternité (2022), l’inspiration est une lithographie en noir sur papier jaune d’Henri Matisse intitulée La Vierge à l’enfant (1948). Le motif religieux devient une manière de désacraliser l’expérience de la maternité. La madone flotte entre Caraïbes et métropole, en contribuant à une « créolisation des références ». « Les Choses qui restent propose une somme d’objets hantés par leurs valeurs culturelles et convoqués pour leur symbolisme, écrit Taous Damani. À travers ce qu’elle nomme son « fauvisme photographique », Touam propose un nouveau vocabulaire visuel, ludique et rhizomique ; une rencontre entre histoire, moment contemporain et imagination d’un futur sans centre ni périphéries. »

© Maya Inès Touam
© Maya Inès Touam
© Maya Inès Touam
© Maya Inès Touam
© Maya Inès Touam
Explorez
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Sandra Eleta
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
22 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Rondônia (Comment je suis tombé amoureux d’une ligne), 2023 © Emilio Azevedo
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l'exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Le 7 à 9 de Chanel : Viviane Sassen, l’ombre comme seconde peau
© Viviane Sassen
Le 7 à 9 de Chanel : Viviane Sassen, l’ombre comme seconde peau
Nouvelle invitée du 7 à 9 de Chanel au Jeu de Paume, Viviane Sassen a déroulé le fil intime et créatif de son œuvre au cours d’une...
25 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #534 : film noir
© Lux Corvo / Instagram
La sélection Instagram #534 : film noir
Alors que les jours s’assombrissent et que la nuit domine, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine nous plongent dans les...
25 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet