Jusqu’au 24 septembre, Fotohaus pose ses valises à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’Arles. Au cœur de l’exposition, une réflexion autour de la nature et la société, magnifiquement nuancée par les écritures et les points de vue des photographes présenté·es.
« La propension à s’engager activement pour le bien-être des générations futures sur cette planète est, semble-t-il, absente chez nombre d’individus. Ainsi un référendum organisé fin mars à Berlin pour imposer la neutralité climatique dans la capitale allemande d’ici 2030, a échoué, faute d’un taux de participation suffisant des citoyens. En même temps, les incendies géants, les grandes sécheresses et les inondations se multiplient aux quatre coins du monde… », cet avertissement de l’auteur allemand Jens Pepper introduisent l’édition 2023 de Fotohaus aux Rencontres d’Arles. Installées au cœur de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, les œuvres des auteurices franco-allemand·es mises en avant par ParisBerlin>fotogroup entendent souligner l’urgence de la crise environnementale. Reportages, images documentaires, corps mis à nu, créations abstraites… En multipliant les écritures et les identités, l’exposition entend former un tout uni, harmonieux, pour « rendre le présent compréhensible et donner des impulsions pour forger l’avenir, en partant d’un travail d’observation et de réflexion ».
Les tristes répercussions
Ce sont donc les dérèglements de notre monde que les photographes capturent et révèlent, à travers leurs créations. Verdiana Albana s’intéresse, dans surrounded, à la mégapole chinoise de Chongqing, dont la croissance fulgurante et la multiplication des gratte-ciel demeurent dissimulées par un épais brouillard, conférant à la ville une atmosphère dystopique. La brume laisse ensuite place à la fumée des incendies, au cœur des images des sept photographes du collectif LesAssociés (Alban Dejong, Alexandre Dupeyron, Élie Monférier, Hervé Lequeux, Michaël Parpet, Olivier Panier des Touches, Joël Peyrou). Bouleversés par les incendies en Gironde de l’été 2022 – 31 000 hectares brûlés, 46 000 personnes évacuées – ils traduisent visuellement leur anxiété face à un réchauffement climatique implacable, dans un ensemble de clichés faisant écho aux nuances des émotions ressenties. À la manière d’un miroir poétique, c’est à l’eau que s’intéresse le DOCKS Collectif – plus particulièrement aux précipitations torrentielles survenues les nuits de 13 et 15 juillet 2021 en Allemagne. Des averses considérées aujourd’hui comme « une catastrophe du siècle » faisant plus de 180 morts et des milliers de sans-abri. Privilégiant l’écriture documentaire, les photographes présentent une narration sobre et juste, ancrant dans l’histoire cet événement et ses tristes répercussions.
Des envolées visuelles
En parallèle, d’autres artistes choisissent l’intime et la douceur pour souligner les connexions entre humain et nature. Adepte du photogramme, Philippine Schaefer croise divers éléments organiques dans un univers monochrome minimaliste où l’abstraction flirt avec le réel. Faisant dialoguer son propre corps aux éléments végétaux, elle façonne une chorégraphie sensible révélant la fragilité des fragments vivants, comme sa splendeur qu’il nous faut faire perdurer. Ce sont aussi les silhouettes qu’Isabelle Chapuis met en avant à travers Vivant, Le sacre du corps. Fascinée par ce qu’elle nomme les « parures corporelles », elle photographie, dénudée, des dos, des profils, des portraits comme des paysages mouvants. En résultent des compositions épurées, sublimées par des tons boisés, où attributs humains et formes végétales s’entremêlent. Une douceur complimentée par les envolées visuelles du collectif viennois fiVe, composé de cinq femmes photographes. À travers des pratiques aussi sensibles que différentes – du cyanotype à la 3D en passant par le collage – toutes mettent en exergue les rapports complexes entre nature et société. Enfin, au cœur d’Ostinato – série présentée hors les murs, rue de la Roquette – Thomas Sanberg embarque dans un voyage en Sicile où il entame une réflexion sur le caractère éphémère de la vie.
Ainsi, à travers les diverses réalisations des photographes présenté·es par Fotohaus, il nous semble, en effet, toucher du doigt la fugacité de l’existence. Bercé·es par les expérimentations plastiques, saisi·es par l’horreur du réel, il nous faut à présent réfléchir, et reconnaître l’inévitable crise qui menace notre Terre.