Référence de la photographie de mode et portraitiste adoubé, Irving Penn a imprimé sa marque et laissé son empreinte sur les nouvelles générations. Alors que sa série photographique The Bath est exposée à la galerie Thaddaeus Ropac jusqu’au 30 novembre 2023, revenons sur l’héritage que cet artiste a laissé derrière lui.
L’art est subjectif et l’apprécier reste propre à chacun·e. Mais, il arrive que certain·es artistes se positionnent en véritables maîtres·ses et deviennent les références des générations futures. Irving Penn est l’un·e d’elleux. Photographe de mode acclamé au travail en studio incomparable, il s’inscrit aujourd’hui dans la lignée de celles et ceux qui inspirent les âmes. Et les artistes présent·es dans nos pages ne font pas exceptions à la règle. Maewenn Bourcelot, Maxime Antony, Bastien Woudt, Jacques Sonck tout comme Philip Provily sont de celleux qui affirment que leurs œuvres connaissent l’influence du génie photographique qu’est Irving Penn.
S’il y a bien un élément qui reste incontournable de l’art du natif du New Jersey, c’est son travail en studio. De Salvador Dalí à Truman Capote en passant par Pablo Picasso, ses portraits de célébrités côtoient ceux des personnes lambda. Frileux lorsqu’il s’agit de s’aventurer à l’extérieur, il aime à dénaturer l’environnement des personnes qu’il fige sur pellicule. Les faire poser sur un fond simple pour en ressortir toute leur humanité. Sa série emblématique de photo sur les petits métiers en est l’exemple même, raconter les gens à travers leurs vêtements et apparences. Jacques Sonck s’inscrit dans cette lignée. L’artiste belge capture de drôles de tête et livre une œuvre authentique toujours avec bienveillance. « Parfois, c’est la singularité, parfois c’est l’humour ou l’archétype, mais toujours la personne doit se démarquer de la foule. Mais pas nécessairement de manière spectaculaire. Les petits détails font souvent la plus grande différence », relate l’homme dont les images rappellent indéniablement les portraits d’Irving Penn.
De nombreuses flèches à son arc
Simplicité, lumière naturelle et construction façonnent l’œuvre d’Irving Penn. D’autres photographes se nourrissent de ces spécificités. Maxime Antony ou encore Bastiaan Woudt nous transportent dans un monde de monochromes envoûtants. Des clichés intemporels évocateurs de ceux du maitre, où le noir combat le blanc et dont la lumière est juge. Aux confins des rêves, Maxime Antony s’aventure, avec sa série L’encéphale, dans les profondeurs de l’âme, mené par des compositions dansantes évoquant des œuvres picturales, amour premier d’Irving Penn. « Souvent subliminaux et atrocement élégants, ces corps dégagent une aura intense », nous assurait l’auteur. La simplicité marque le travail de l’artiste américain, à l’instar de sa série de photographie capturant les plus grandes célébrités de l’époque dans un angle de mur, comme une fin de fioriture et un retour à la modestie. Quant à Bastiaan Woudt, il prône le minimalisme à travers la mode – l’artiste privilégie l’humain en le plaçant au centre du cadre dans une vision portraitiste de l’image – rejoignant l’école Irving Penn. Ce dernier, connu pour avoir été l’un des photographes de mode iconique du magazine Vogue, en aura même épousé sa muse, la mannequin Lisa Fonssagrives. Faire peu pour donner plus, tel est l’adage du jeune artiste néerlandais permettant à l’interprétation de céder sa place à la contemplation. Cacher pour révéler finalement. Et révéler, l’artiste le fait. Les corps de ses modèles sont pour lui source d’inspiration. Sa série The Bath en est l’expression même, toujours avec un côté engagé et précurseur pour son époque.
Maewenn Bourcelot s’inscrit également dans cette continuité. Entre corps et nature, elle signe un travail – sous différents pseudonymes – où la lenteur de la prise de vue façonnent une ambiance qui semble hors du temps. « La nature est pour moi un monde d’exploration sans borne, confie la photographe. J’éprouve un plaisir incommensurable à me perdre dans ses paysages, et tout particulièrement à observer le monde des minuscules ».
Mais au-delà des personnes et de l’humain, Irving Penn se passionnait pour les natures mortes : cigarettes et objets en tout genre constituent un panel important de son art. Une recherche entre le vivant et l’objet inanimé qui se retrouve dans Still lifes de Philip Provily. Le photographe néerlandais met en avant son goût pour les temps de pause, et développe une œuvre inspirée par la noblesse et le classicisme de l’argentique. « C’est à New York que la photographie m’a séduit, confie l’artiste. Un galeriste m’a sorti de son tiroir un tirage platine palladium en noir et blanc d’Irving Penn. J’ai été touché par sa beauté, sa force d’expression… J’ai alors découvert le chemin qu’il me fallait suivre » À une époque où l’image est reine, Irving Penn impose son empreinte sur les clichés de toute une génération et inspire, grâce à la versatilité de son art, nombre de photographes de bords très différents.