Le Prix Dior de la Photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents a dévoilé les noms de ses quatorze lauréats. Toutes et tous ont donné à voir une déclinaison de « face-à-face », thème de cette 5e édition.
Voilà déjà cinq années que Dior s’est investi d’une nouvelle mission : soutenir la création émergente. Pour ce faire, la maison de couture s’est associée à LUMA Arles et à l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) d’Arles pour instaurer le Prix de la Photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents. Comme à l’accoutumée, cette édition 2022 a inspiré un certain nombre d’étudiantes et d’étudiants issus des plus grandes écoles internationales d’art et de photographie. Toutes et tous ont ainsi soumis leur variation sur le thème « Face to face ». Tournés vers le passé ou l’avenir, vers soi ou vers autrui… Les sujets proposés sont autant de regards que d’interrogations polymorphes, exprimées de bien des manières. Souvent riches en émotions, ils témoignent en creux des conséquences que la pandémie a eues sur leur vision du monde, quoiqu’un soupçon d’espoir surgisse toujours.
Le jury – présidé par le photographe Samuel Fosso, et composé de Maja Hoffmann, fondatrice et présidente de LUMA Arles, Simon Baker, directeur de la Maison européenne de la photographie, Jérôme Pulis, directeur de la communication internationale Christian Dior Parfums, et des photographes Estefanía Peñafiel Loaiza et Maya Rochat – a dû s’accorder sur seulement quatorze noms. Parmi eux figure une grande lauréate, récompensée le 8 juillet dernier, qui n’est autre que Rachel Fleminger Hudson. L’ensemble des projets primés est à découvrir à la Mécanique Générale à l’occasion des Rencontres d’Arles, qui s’achèveront le 25 septembre prochain.
Une manière de composer avec un futur incertain
Diplômée de la prestigieuse Central Saint Martins College of Art and Design de Londres, Rachel Fleminger Hudson multiplie les approches. Inspirée, pour l’essentiel, par les années 1970, la jeune Londonienne conçoit ses images comme de véritables palimpsestes. Dans ses compositions, les influences plurielles se superposent alors jusqu’à créer un nouvel univers, à la fois familier et hors du temps. Ici, les identités et les clivages sociaux s’entrechoquent avec fracas dans des nuances chaudes. Les vêtements de ses modèles portent en eux une mémoire qui permet d’explorer « les frontières entre le fantasme et le vrai soi », au cœur de ses préoccupations. « Je synthétise les médiums du costume, de la photographie et de la vidéo pour étudier les gens et lieux, explique l’artiste. Je cherche à engager un dialogue avec notre façon d’appréhender psychologiquement notre habit. »
Cette confrontation, nécessaire à la compréhension de nos sociétés, s’exprime également dans les thématiques abordées par les autres lauréats. Infirmier de profession au sein d’un hôpital psychiatrique, Jesús Torío documente les histoires de ses patients. Dans leurs clichés, Margaux Laurens-Neel et Fernanda Liberti immortalisent les corps marginalisés et offrent de la visibilité à des modèles encore peu représentés. Emilio Azevedo déploie une réflexion sur l’effacement des peuples et dénonce le désastre humain et écologique que « l’idéal de domination permanente propre à la modernité occidentale » a engendré. Youngjoo Sul et Joseph Craven s’intéressent chacun à leur manière à la jeunesse, tendre et ingénue pour la première, mélancolique désœuvrée pour le second. Sophie Meuresch cristallise enfin les relations qui s’articulent entre les artistes et les muses créatrices.
Dans un autre genre, tourné vers l’intime, Ashley McLean interroge les stéréotypes qui enserrent la masculinité au travers de portraits touchants. Alors père en devenir, Thando Mfundo Ngidi met en regard identité et paternité. Gael del Rio et Yuka Iwahashi matérialisent toutes deux l’absence irrémédiable ou momentanée, causée par la disparition d’un être cher ou un isolement imposé. Yuhan Lin met en lumière l’omniprésence des caméras dans notre quotidien qu’elle rapproche au regard d’autrui et à l’homogénéisation ambiante. Face au même constat, Kaiyuk Wong prend le contrepied et renoue avec ses racines culturelles qu’elle n’a de cesse de renouveler. Une manière de composer avec un futur incertain et de mieux s’ancrer dans la réalité contemporaine.
© Rachel Fleminger Hudson
© À d. Rachel Fleminger Hudson, à g. Joseph Craven
© À d. Kaiyuk Wong, à g. Fernanda Liberti
© À d. Gael del Rio, à g. Sophie-Meuresch
© Yuhan Lin
Image d’ouverture © Rachel Fleminger Hudson