« Cet évènement brutal m’a soudainement montré que tout semble fragile : les corps, l’existence, les relations. La fragilité de l’amour, de l’enfance, des croyances, des démocraties. La fragilité de la mémoire. »
édition limitée de 100 copies signées
impression numérique de 28 pages agrafées
couverture sérigraphiée
noir et blanc
20€
Pauline Alioua, photographe marseillaise, a conçu cette année Fragile (handle with care), un fanzine de 28 pages, à découvrir au festival Rolling Paper #5 au BAL, qui se déroulera du 29 septembre au 1er octobre 2023. Une œuvre hypersensible, qui murmure qu’il suffit d’un rien pour que les destins basculent.
À l’origine de Fragile (Handle with care), il faut voir un accident. Un accident brutal. Qui brouille la vision, bascule les repères, fait perdre la notion de la vie, ou de la mort. Quelque temps après, Pauline Alioua revient sur l’impact durable qu’a eu cet évènement dans sa vie de femme, de mère, d’être pensant. Série de photos entièrement en noir et blanc, Fragile (Handle with care) raconte une prise de conscience soudaine de la fragilité de l’existence.
Le grand chamboulement
« Je suis devenue photographe assez naturellement, je crois. J’ai toujours beaucoup observé le monde autour de moi, les gens, les paysages, les petits détails. Vouloir être près des choses sans être au centre : là, mais cachée. Mon père faisait de la photo et je trouvais ça magique. Il m’a donné son appareil et il ne m’a jamais quittée. » Pauline Alioua se décrit avec la même pudeur qui laisse son empreinte dans les images qui composent son œuvre. Sans doute même, pourrait-on dire : la même manière de dévier le regard. Car sa photographie, avant tout sensorielle, est « intranquille, énigmatique, mélancolique », énonce-t-elle. « À l’image de mon rapport à la vie, il y a toujours une forme de tension dans mes photos. Je m’interroge sur le sens des choses et j’aime penser que mes images posent des questions plutôt que de donner des réponses », poursuit-elle. Un coup de fil suivi d’un malaise, la marche d’une infirmière de dos, un arbre recouvert d’affiches rendant hommage à des personnes décédées sur la route en écriture cyrillique, des voitures abîmées jetées à la décharge… Tant d’indices de l’accident, qui ne se révèlent qu’au fil du parcours des pages de ce livre.
« Cet évènement brutal m’a soudainement montré que tout semble fragile : les corps, l’existence, les relations. La fragilité de l’amour, de l’enfance, des croyances, des démocraties. La fragilité de la mémoire. La fragilité de la condition des femmes, dans un monde gouverné par les hommes. Ma fragilité en tant que femme et mère d’une petite fille. La fragilité que j’ai soudainement perçue dans tout ce qui vit, tout ce que l’on construit et qui en un instant peut s’évanouir, mourir ou disparaître. La violence qui résulte de cette pensée. Et la force qu’il nous faut trouver pour ne pas abandonner, survivre et résister. », raconte-t-elle. Pauline Alioua entreprend ce travail, en quelque sorte, comme une quête pour sa propre guérison. Ou même peut-être, comme une lutte, puisque l’on trouve aussi dans Fragile (handle with care) les marques d’une guerre, comme un mur criblé de balles… Pourtant, l’hiver que l’autrice imagine n’est pas une chute, et les fleurs qui closent l’ouvrage semblent bien annoncer le printemps.
Avec un sens aigu de l’esthétique du noir et blanc, la photographie à l’argentique de Pauline Alioua fabrique une obscurité qui installe une ambiance d’apocalypse, voire un côté punk authentique. Car malgré le mystère, Fragile (handle with care) reste une œuvre franche, un ouvrage sur ce qui nous lie et ce qui nous attache, au sens de ce qui nous ramène à la terre comme de ce qui nous contraint ou nous libère. Tandis que l’on feuillette les pages, l’on peut si on le souhaite, écouter le fameux morceau God knows, de Bob Dylan, et prêter attention à ses paroles, qui ouvrent le livre : « God knows it’s fragile / God knows it’s everything / God knows it could snap apart right now / Just like putting scissors to a string »...