Spyros Rennt célèbre les corps opprimés avec Corporeal

Spyros Rennt célèbre les corps opprimés avec Corporeal
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt

Dans Corporeal, Spyros Rennt croise ses explorations du monde de la nuit de son pays natal, la Grèce, et celles de son pays d’adoption, l’Allemagne. En contrepoint, l’ancien ingénieur aujourd’hui installé à Berlin sublime la communauté queer et affirme son engagement.

« Ma photographie existe comme une extension de mes compétences sociales. Si je me sens proche de vous, j’aurai probablement envie de vous photographier aussi », révèle Spyros Rennt. De ses expériences personnelles germe une pratique photographique engagée et singulière qui reflète une envie d’aller à la rencontre de l’autre, mais également une certaine proximité avec la communauté queer, qu’il ne cesse de célébrer dans ses images. Ses photographies abordent des thématiques qui lui sont chères : celles du corps et de la sexualité, de la liberté, du désir, de la sensualité ou encore la communauté. Elles s’attachent également, à retranscrire avec justesse l’ambiance des endroits dans lesquels il se rend. Ainsi, visages souriants, mains baladeuses, positions lascives ou tendres sont autant d’éléments que l’on retrouve dans ses images, souvent teintées d’un bleu et d’un rouge altérés par l’usage du flash. Une colorimétrie qui met en valeur les corps athlétiques et androgynes posant et — ou pris sur le vif, dansant avec fluidité et maitrise, ou s’enlaçant. Dans CorporeaI, l’artiste poursuit cette approche. Il se distingue cependant, par un travail « plus épuré », avec cette fois-ci « un plus grand accent sur le portrait », shooté en studio ou au cœur de paysages rocailleux bordés de la mer. Ce troisième opus couvre principalement la période de 2020 à 2023 et rassemble les visions lumineuses de son pays natal, la Grèce, et de son pays d’adoption, l’Allemagne. Une période durant laquelle l’auteur s’attache à capturer la communauté queer et son univers. « Pour certaines personnes, mes images peuvent être assimilées à la découverte d’un monde nouveau. Et pour celleux qui ont été exposé·es à ce milieu, j’espère qu’elles convoqueront quelque chose de familier, de chaleureux, de confortable », confie-t-il.

© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt

Provoquer la sensibilité

Depuis qu’il s’est établi en Allemagne, l’artiste participe régulièrement à la vie nocturne berlinoise queer. C’est donc naturellement qu’il décide d’enregistrer et de documenter l’effervescence de ces instants festifs auxquels il assiste, où les corps dénudés, en sueur, se meuvent dans les clubs, dansent, s’enlacent et s’embrassent dans une liberté fantasmée. Un moyen pour l’artiste d’aborder des questionnements inhérents à notre culture contemporaine : ceux des modèles dominants de l’identité (genrés, ethnique), et de la minorisation sociale de tout ce qui n’appartient pas aux normes culturelles, sociales et sexuelles. Sa photographie ne s’assimile pas à quelque chose de « timide », avertit l’artiste. Elle provoque, au contraire, la sensibilité des regardeur·euses par la présence d’éléments érotiques ou par la nudité quasi omniprésente. Une démarche en écho à l’invisibilisation des corps, qui s’effectue dans divers domaines, et tend à prouver l’inégalité du traitement de la diversité de ce dernier. Pourtant, ce dernier est un outil, un moyen de se représenter, de se distinguer. La photographe militante, Joan Biren, se battait, dans Lesbian Photography – Seeing Throught Our Own Eyes, un ouvrage datant du début des années 1980, pour davantage de visibilité des différentes communautés qui, a priori, dérangent les catégories de perceptions : « Sans identité visuelle, nous n’avons pas de communauté, pas de réseau de soutien, pas de mouvement. Nous rendre visibles est un processus continu », affirmait-elle. C’est dans cette lignée que le travail de Spyros Rennt s’inscrit. Vifs, viscéraux, les clichés présents dans Corporeal affirment sa volonté de déconstruire les normes, de célébrer les corps en leur offrant la possibilité de se libérer d’une société sélective et exclusive.

© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
© Spyros Rennt
À lire aussi
Dix ans de souvenirs photographiques : électro, pensée queer et curieux érotisme
© Anaïs Tohé-Commaret & Nicolas Jardin, Way Out (Maud Geffray)
Dix ans de souvenirs photographiques : électro, pensée queer et curieux érotisme
À l’occasion des dix ans de Fisheye, les membres de sa rédaction reviennent, à tour de rôle, sur trois éléments qui les ont…
04 août 2023   •  
Écrit par Milena III
Quentin Fromont : mythologie, désir et littoral
Quentin Fromont : mythologie, désir et littoral
À la croisée de l’art plastique et visuel, Quentin Fromont imagine un récit engagé, nourri par la peinture, la mythologie et…
17 janvier 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Soliloquy : queerness et diaspora, William Zou recompose son identité fragmentée
© William Zou
Soliloquy : queerness et diaspora, William Zou recompose son identité fragmentée
Dans « Soliloquy », William Zou fragmente la narration, sème le chaos dans la temporalité pour recomposer un récit alternatif composé de…
21 novembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
11 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
26 séries de photographies qui capturent l'hiver
Images issues de Midnight Sun (Collapse Books, 2025) © Aliocha Boi
26 séries de photographies qui capturent l’hiver
L’hiver, ses terres enneigées et ses festivités se révèlent être la muse d’un certain nombre de photographes. En ce jour de Noël, la...
À l'instant   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
© Fabrice Laroche
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
Consciemment ou non, des photographes du monde entier travaillent sous l’influence de Martin Parr. Mais pour la communauté photographique...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
© Natural Johnson / Instagram
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
Dans notre sélection Instagram de la semaine, les artistes célèbrent l’amitié féminine et la sororité. Sur leurs photographies, des...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina