Hommage à une beauté intemporelle

19 décembre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
Hommage à une beauté intemporelle

Faire vivre les souvenirs. Tel est le dessein de l’artiste-photographe franco-espagnole FLORE. Avec son dernier ouvrage Maroc, un temps suspendu, elle poursuit sa quête autobiographique. Un voyage qui l’amène au plus proche de son enfance vagabonde.

« J’essaye d’explorer le monde et le temps. J’aime particulièrement travailler le lien entre la photographie et la temporalité et j’aime la capacité qu’a le 8e art à créer une vérité qui perdure au souvenir », annonce FLORE. Avec son dernier ouvrage Maroc, Un temps suspendu, cette photographe, artiste vagabonde, fait une triple déclaration d’amour. « Ce  livre est d’abord dédié à ma mère qui nous a quittés il y a peu de temps » confie l’artiste, qui a grandi au sein d’un atelier. Car sa mère pratiquait la peinture, la gravure, et la sculpture. « C’était une femme extrêmement aimante, et profondément consacrée à son art », ajoute-t-elle. Cette vie, ou plutôt cette passion d’artiste, la conduit en Égypte, puis au Maroc. « Je me rappelle de la traversée du Maroc que nous avons effectuée, alors que j’avais 12 ans, en 1975. J’ai vécu un choc assez grand, et j’ai apprécié en même temps de vivre cette liberté absolue. Je garde de ces instants un souvenir émerveillé pour la vie ».

Revenue en France depuis plusieurs années, FLORE a ressenti le besoin de créer un temps suspendu : faire des images qui perdurent, à partir de souvenirs effacés. Et dans cette quête artistique autant que personnelle, la photographe se nourrit en partie de la littérature. En témoignent les plumes qui rythment l’ouvrage… Frédéric Mitterand – pour la préface – Anaïs Nin, Édith Wharton, ou encore Nicole de Pontcharra. «  La littérature est l’art qui me fait le plus voyager, et qui a accompagné ma solitude. Elle me permet d’être ailleurs, de rêver, et de pouvoir s’échapper de soi et de sa condition. Je réunis dans cet ouvrage des auteures que ma mère aimait profondément. Les textes réunis ici forment un ensemble cohérent », explique la photographe.

© FLORE© FLORE

« Nous commençâmes de regarder la mer, au-delà d’un abîme de verdure précipitées jusqu’au rivage. Ils ont des âmes vagabondes, nobles, désintéressées, ceux qui sont promis à une sieste immobile sur des divans bourrés de laine fine, et qui contemplent le Méditerranée marocaine derrière leurs cils entreclos » – Colette

Un espace méditatif

« Nous vivons avec peu d’argent et pourtant, dans une telle profusion », ces mots signés Nicole de Pontcharra résonnent particulièrement avec les Polaroids de FLORE. Les couleurs et les textures révèlent la diversité du Maroc. Le livre entre les mains, le lecteur arpente le dédale des médinas et les allées des jardins exotiques, et (re)découvre les détails orientaux et les étendues sauvages. La mer ou la lumière si particulière accompagnent toujours cette déambulation. Et, parfois, une silhouette surgit, sans venir troubler cette atmosphère paisible, bien au contraire. « Cette image symbolise la beauté du vêtement comme celle de la posture. Cette femme ne regardait rien de précis, son immobilité m’a fascinée. J’ai toujours pensé que si elle n’attendait rien, un beau jeune homme allait finir par arriver », confie FLORE au sujet de cette femme de dos, exposée en couverture. Et puis, elle s’attarde sur une autre image : un paysage avec du ciel, et des plantes grasses. « Je suis heureuse d’avoir réalisé ce cliché, car il représente une sorte d’abstraction. Je sais que je pourrais regarder longtemps cette image. Il est épineux de s’approprier un territoire qui appartient à chacun. »

« J’aime les images qui laissent de l’espace, qui ne s’avancent pas trop vers le spectateur. Il faut laisser de la place au silence », précise l’artiste, qui livre avec ce travail une suggestion plus qu’un témoignage. Il est vrai que cet ouvrage apparaît comme un espace méditatif, voire spirituel, où chacun peut se confronter à ses propres souvenirs, marocains, ou non. Une approche contemplative qui n’empêche en rien à l’artiste photographe de poursuivre sa quête, son introspection.

Un travail à découvrir à la Galerie 127, à Marrakech, jusqu’au 11 janvier.

Maroc, un temps suspendu, Contrejour éditions , 35 €, 96 p.

© FLORE© FLORE
© FLORE© FLORE

© FLORE

© FLORE

Explorez
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
© Elie Monferier
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
Imaginé durant une résidence de territoire au cœur du Couserans, en Ariège, Journal des mines, autoédité par Elie Monferier, s’impose...
25 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Fièvre : les remous intimes de Lorenzo Castore
© Lorenzo Castore
Fièvre : les remous intimes de Lorenzo Castore
Jusqu’au 11 mai, la galerie parisienne S. accueille le photographe Lorenzo Castore, l’un des pionniers de la nouvelle photographie...
22 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Les coups de cœur #489 : Julie Legrand et Kathleen Missud
© Julie Legrand
Les coups de cœur #489 : Julie Legrand et Kathleen Missud
Nos coups de cœur de la semaine, Julie Legrand et Kathleen Missud, ont toutes deux, au cours de leur parcours dans le 8e art, fait le...
22 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
© Stefanie Moshammer
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
Les images de Stefanie Moshammer s’inspirent d’expériences personnelles et de phénomènes sociaux, à la recherche d’un équilibre entre...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
© Christopher Barraja
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
La photographie analogique ne cesse de séduire un large public. Pour Fujifilm, Aliocha Boi et Christopher Barraja s’emparent de l’Instax...
26 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill