Jeune photographe à l’ascension fulgurante, Campbell Addy s’engage corps et âme pour offrir une visibilité aux personnes noires et queer dans l’industrie de la mode et des 7e et 8e arts. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
« Cherchez et vous trouverez », tel est le mantra de Campbell Addy. Une maxime inspirée par les textes religieux qui ont marqué son enfance au sein d’une famille membre des Témoins de Jéhovah. Dans son œuvre d’une douceur rare, les peaux noires retrouvent leurs nuances – celles dont elles ont été privées tout au long de l’histoire du médium. L’artiste britannico-ghanéen originaire du sud de Londres recherche une manière de relever un défi personnel et visionnaire : photographier les communautés sous-représentées avec puissance et dignité. Et souhaite rendre au passage l’industrie de la mode plus inclusive, à l’image du monde qui nous entoure.
Une grande fête sensuelle et visuelle
Passé de la peinture à la photographie à la fin de son adolescence, comme si le 8e art devenait une extension de son exploration artistique, Campbell Addy a très vite eu conscience de la nécessité de braquer son objectif sur les corps noirs et queers pour en sublimer la diversité. Les images du photographe et réalisateur – auteur de Ghana’s Right to Roam, un documentaire qui évoque la colonisation des Ghanéen·nes, leur rapport à la propriété foncière et à leur identité – ont l’ambition « de servir de miroir au zeitgeist [l’air du temps, ndlr], en captant les complexités, les joies et les défis de [s]on époque. Je veux faire avancer les récits », affirme-il avec conviction. Campbell Addy crée des archives qui brossent l’époque avec authenticité. Sa frustration à l’égard des représentations formatées de l’industrie de la mode le conduit à créer, en 2016, son propre magazine et son agence de casting et de mannequinat, Nii. Dans une grande fête sensuelle et visuelle, Campbell Addy fusionne et met en perspective phénomènes culturels et motifs tendance, avec élégance et fluidité. L’artiste part de lui-même et des émotions qui traversent sa communauté pour expérimenter une riche palette de sentiments. Ses clichés font valser esthétique géométrique et grâce des modèles, jongler corps et traditions avec perspicacité. Les caresses y sont aussi amicales qu’érotiques, mais cet érotisme n’est jamais pornographique, loin de l’imaginaire supposément agressif des hommes noirs. Dans le prolongement de Norman Parkinson et de Nick Knight – il garde le goût de l’élégance britannique du premier, et celui du bizarre du second –, Campbell Addy fait l’éloge des influences entre mode, art et culture. Capturant les célébrités de son époque, de Beyoncé à FKA Twigs, il invente lui aussi sa propre vision de la mode. Sa manière de penser la nuance pour dessiner les contours et les visages lui permet d’éviter ces tons grisâtres que déplorent souvent les comédiens noirs dans le 7e et le 8e art.
Homosexualité, noirceur, foi et spiritualité
Celui qui s’est enfui de chez lui à 17 ans, après que son frère a dénoncé ses attirances sexuelles à leur communauté religieuse, semble aujourd’hui apaiser ses conflits intérieurs. Le jour où il a quitté sa famille est aussi celui d’un recommencement. À l’image de son travail d’artiste, qui s’offre à lui comme un voyage où rien n’est donné, où tout est à conquérir. Campbell Addy trouve dans l’Écriture sainte une forme d’écho, bien qu’il se soit détaché de la religion au fil du temps. Dans son œuvre, l’homosexualité et la noirceur sont souvent mises en relation avec la foi et la spiritualité. « Comme je navigue dans ces différents espaces, mes créations reflètent naturellement les facettes de mon être. Chaque pièce est tissée de manière complexe avec les fils de mon identité, formant une belle mosaïque qui reflète qui je suis. » Campbell Addy compte désormais parmi ceux qui changent les normes sociétales. Il ne cesse, par son regard inventif, de stupéfier le monde de la mode. Une reconnaissance qu’il vit comme un « don de Dieu, parce qu’il l’a saisie avec ses deux mains ».