Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, c’est Elie Monférier qui nous invite à découvrir son imaginaire. Un univers brut, où les étreintes fugaces côtoient la recherche de l’absolution et la quête de l’invisible. Un territoire complexe habité par des sensations intenses dont il nous ouvre aujourd’hui les portes.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Les images qu’on garde sont souvent celles auxquelles on associe une couleur affective particulière. Cette image, je me souviens très précisément du moment où je l’ai réalisée, et elle est pour moi associée au deuil. À chaque fois que je la vois, je retourne à un endroit qui n’existe plus que dans ma mémoire.
La première photographie qui t’a marqué et pourquoi ?
Je dirais Daido Moriyama. Non pas l’une de ses photos en particulier, mais sa manière d’associer les photographies et de créer du vertige. C’est radical. Ça fait sans cesse vaciller la perception.
Un shooting rêvé ?
L’Himalaya comme lieu sacrificiel de nos sociétés consuméristes, déchetterie et tombeau à ciel ouvert.
Un·e artiste que tu admires par-dessus tout ?
Le Greco et ses lumières de fin du monde, sa vision hallucinée de l’humanité, cette couleur crue qui saccage le sujet pour n’être plus que pure peinture et qui me reste longtemps dans les yeux.
Une émotion à illustrer ?
L’ivresse sous toutes ses formes : l’enthousiasme élégiaque, la tristesse fraternelle, la colère et la grâce.
Un genre photographique, et celui ou celle qui le porte selon toi ?
La photographie de rue et Mark Cohen. J’aime son personnage, sa manière d’approcher les gens au plus près. On sent une grande bataille qui fait rage en lui avant de faire l’image. C’est sans doute de cette lutte intérieure que vient sa façon de cadrer, de jouer avec l’hors-champ.
Un territoire à capturer ?
L’Europe de l’Est et ses plaines céréalières en hiver balayées par les fantômes du 20e siècle. Un territoire intangible et mental où se mêlent le passé et le présent, les vestiges de l’histoire et les enjeux de la construction européenne.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder en photo ?
Le mystère. Encore et toujours, trouver comment regarder ce que je ne peux pas voir.
Un événement photo que tu n’oublieras jamais ?
Dernièrement, l’installation vidéo d’Angelika Markul, Deadly Charm of Snakes, qu’on peut voir au MAC VAL m’a particulièrement frappé. C’est un film de 18 minutes sur un concours de beauté dans une petite ville du Texas où est élue la reine des serpents. Entre glamour et effroi, c’est une œuvre hypnotique sur la violence de nos sociétés humaines.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
Le travail de Soulages. Ça met en présence quelque chose dont j’ignore tout. Une sensation particulière de la lumière – qui se diffuserait à partir de sa propre absence.