« Il n’écoutait pas ce qu’on lui disait, car il ne pouvait pas vraiment comprendre. Néanmoins, c’était comme une sorte de danse entre lui et moi. »
Cette semaine, à l’occasion de l’exposition Silence is Speaking, présentée au Studio de la MEP jusqu’au 3 mars 2025, nous plongeons dans l’œil de Chia Huang. Pendant six mois, elle s’est immergée dans le quotidien atypique de la famille Sun, près de Taitung, à Taïwan, où le dialogue se compose sans mots. Pour Fisheye, elle revient sur cette image, fruit d’une danse agitée lors d’une promenade au marché de nuit.
A-ce et A-Zhan sont deux frères atteints d’autisme sévère. La communication ne peut passer par les mots. Élevés par leur père, qui souffre d’un cancer des poumons, ils échangent par le dessin et le jeu. Découvrant leur histoire dans un article de presse, Chia Huang part vivre pendant six mois avec la famille. Dans le silence, elle saisit le quotidien des Sun, collabore avec les deux frères par l’archive et le dessin – une façon de les laisser raconter à leur manière leur histoire et celle de leur foyer –, et participe aux activités et sorties.
Une connexion naturelle
« Sur cette photographie, on voit le plus jeune frère, A-Zhan. Nous nous promenions au night market (les marchés nocturnes s’installent dans des rues à la tombée de la nuit et sont consacrés à la flânerie, au shopping et à la restauration sur le pouce. Ils sont très fréquents à Taïwan et certains jouissent d’une renommée notable, ndlr). Nous avions joué à de nombreux jeux, mangé un peu. Et puis ce petit frère a insisté pour attraper un poisson. Mais nous étions en voyage, nous séjournions à l’hôtel, nous ne pouvions pas emporter l’animal avec nous sain et sauf à la maison. Il s’est obstiné et a persisté à vouloir pêcher le poisson. Nous nous sommes en quelque sorte battu·es : rapporter le poisson à l’hôtel, ne pas le rapporter ?
Il ne voulait rien savoir. Son seul objectif, peu importe notre opinion, était d’emporter le poisson à l’hôtel. C’est au beau milieu de cette dispute que j’ai pris la photo. Il n’écoutait pas ce qu’on lui disait, car il ne pouvait pas vraiment comprendre. Néanmoins, c’était comme une sorte de danse entre lui et moi. Finalement, nous avons cédé. Il a pêché la petite bête, nous l’avons prise avec nous dans notre hébergement. Et une fois qu’il fut endormi, nous avons rapporté le poisson au night market, pour éviter qu’il ne meure. »
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