La Fisheye Gallery accueille le jardin imagé du photographe suisse Étienne Francey du 6 mars au 5 avril 2025. Intitulée Florescence, l’exposition dessine les contours d’une nature vibrante et animée, néo-impressionniste, et nous plonge dans un univers empreint de poésie.
« Dès que j’ai eu mon premier appareil en main, j’ai éprouvé un besoin de sortir, d’aller explorer la nature qui m’entourait. Je me prenais un peu pour un reporter BBC qui construisait son documentaire animalier », raconte avec amusement Étienne Francey. À l’âge de 9 ans, le photographe suisse découvre l’extérieur et décide de le saisir en images. La nature, qu’il inspecte avec son grand-père, devient son terrain d’expression et d’expérimentation. « En plus d’être un endroit qui éveille les sens et pousse à la création, elle offre une possibilité d’exploration tellement gigantesque que j’y poursuis mes “recherches photographiques” », soutient-il. Ce sont ces recherches visuelles qui font l’objet de l’exposition Florescence, présentée à la Fisheye Gallery du 6 mars au 5 avril 2025. Le titre, qui fait référence à un état de floraison, à un épanouissement en devenir, concorde avec la démarche de l’artiste : révéler une nature mouvante et sublimée, aux couleurs de la palette des impressionnistes. « Ce qui m’inspire dans l’impressionnisme, c’est la transformation du réel, le fait de ne pas chercher à reproduire la réalité », ajoute-t-il. Sur les cimaises, on distingue des champs de fleurs, des pétales vibrants, des herbes dansantes, des nénuphars scintillants, toujours avec beaucoup de subtilité. « Les fleurs sont les zones de couleurs qui me permettent de créer des taches, des traits sur mes photos. C’est donc mon salut dans une nature très (et trop) verte », poursuit Étienne Francey. Par des procédés qui lui sont spécifiques – flash cobra, utilisation de miroir, filtres et papiers – il brise les conventions et approche le médium avec une position de peintre – il a longtemps pratiqué l’aquarelle lors de ses expéditions à l’air libre. « Ce qui me frustrait, c’était la difficulté à marquer ma patte comme on pourrait le faire avec un pinceau. Et inconsciemment, j’ai voulu réunir les deux », raconte-t-il.
Une ode à la fragilité des fleurs
Ce jardin imagé, presque imaginaire, que construit Étienne Francey, est un hommage à l’écosystème, une reconnaissance lyrique de son état de fragilité. « Nous avons besoin de la nature pour vivre, et c’est fou de voir à quel point on s’en est complètement détaché. Je suis terrifié, lorsque je m’y rends, de constater que c’est difficile de me remettre en lien avec elle. J’ai cette impression d’être un touriste, un alien », remarque le photographe. Dans le paysage, il saisit la fugacité des fleurs, se laisse surprendre par les aléas météorologiques, sonde son monde intérieur. « J’ai toujours cette envie frénétique de capturer ce qui est donné pour un temps », indique l’auteur. L’éphémérité d’un coquelicot, la vanité d’une plante, chaque instant compte. « J’ai l’impression que les images que je fais aujourd’hui, je ne pourrai peut-être plus les refaire d’ici à quelques années. Je peux constater facilement la raréfaction de certaines espèces par mes seules observations », remarque-t-il. C’est notamment le cas des narcisses qui inondent les versants de certaines montagnes, menacés de disparition. Or, c’est au cœur de cette nature qu’Étienne Francey convoque sa créativité. « Les champs de narcisses dégagent une odeur mielleuse très forte qui peut donner mal à la tête si l’on reste trop longtemps immergé ou couché devant les fleurs, comme cela m’arrive souvent. J’aime à penser que l’ivresse de ce parfum amène un peu de folie. Entouré des montagnes, on apprend à apprécier le temps qui passe lentement. Quoi de mieux pour créer », conclut-il avec poésie.