Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, c’est Céline Croze qui nous plonge dans son univers hypnotique, où les flous artistiques et les atmosphères dramatiques révèlent son attirance pour l’invisible. Un monde fait de voyages, d’expériences viscérales et de poésie tourmentée dont elle nous ouvre aujourd’hui les portes.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Il y a des images où l’on a du mal à croire qu’on les a prises. Elles viennent d’ailleurs, d’un autre temps ou comme si une force avait eu besoin de s’exprimer via notre boitier. Cette photo, pour moi, c’est comme si quelqu’un revenait du royaume d’Hadès et me disait : « je n’y resterai pas, la vie est là, encore ».
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ?
C’est une question très difficile, il y a tant de photos qui m’ont marquée…Mais, je dirais une photo de Bernard Plossu au Mexique pour la découverte du tirage Fresson. Au-delà de la poésie et de la sensibilité de ce photographe, le procédé révèle autre chose qu’une simple photographie, il y a la matière, la sensation picturale, cette interprétation des couleurs unique, laissant place à l’accident. Voir ces tirages m’émeut à chaque fois.
Un modèle pour un shooting rêvé ?
Des animaux aux âmes anciennes.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Antoine d’Agata, qui me surprend toujours. J’attends sans cesse le prochain livre, le prochain travail, le prochain film. J’attends, et à chaque fois, je prends une claque. C’est un artiste remarquable, de par sa sensibilité, son engagement, sa vision. Au-delà de l’esthétique de sa photographie, tout est à sa place, tout est important. Il y a quelque chose de viscéral qui transpire dans tous ses travaux.
Une émotion à illustrer ?
Le tourment.
Un genre photographique, et celui ou celle qui le porte, selon toi ?
Au risque de me répéter… Le documentaire intimiste, et Antoine d’Agata !
Un territoire – imaginaire ou réel – à capturer ?
La jungle, l’univers de Heart of Darkness de Joseph Conrad.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
L’invisible, la frontière entre les deux mondes.
Un événement photographique que tu n’oublieras jamais ?
Je vais en citer deux : d’abord Daido Moriyama et William Klein en 2012 à la Tate Modern. Je me souviens être allée à Londres précisément pour cette exposition. J’étais seule, je me suis pris ces deux monstres en plein cœur. C’était un accrochage gigantesque, comme un shoot de génie.
Et puis l’exposition de ma série Silence Insolent aux Franciscaines de Deauville, pour Planches Contact. Parce que c’était mon baptême, ma première vraie exposition dans un musée. Il y a aussi tout ce qui gravite autour de ce festival, grâce à Laura Serani et Camille Binelli, qui fait qu’au fil des années, nous devenons une famille.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
La vie nouvelle de Philippe Gandrieux. Ce long-métrage m’a bouleversée. C’était une révélation, une expérience sensitive. Comme si je découvrais que l’on pouvait s’autoriser à matérialiser, expérimenter nos pensées, casser les codes, aller au-delà de tout…