Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, Matthieu Croizier, qui signe la couverture de Fisheye #67, nous plonge dans son univers fait de fragments de réels décontextualisés et vecteurs de nouvelles histoires.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Ce n’est pas facile de répondre à cette question, car pour moi une image prend sa force en fonction du contexte dans laquelle elle est montrée, en fonction des autres images qui l’entourent dans une série, par exemple, et de la manière dont celles-ci dialoguent ensemble. Mais pour l’exercice, je vais dire que ce serait Romain et la Création d’Adam (2020).
La première photographie qui t’a marquée, et pourquoi ?
J’ai du mal à me souvenir de la première qui m’a réellement marquée, mais là tout de suite j’ai une image de William Klein qui me vient en tête, celle dans laquelle un enfant pointe un pistolet vers la caméra (« Gun 1 », New York, 1954). Il y a quelque chose dans son expression, sa grimace, que je trouve saisissant. Mais si je réfléchis, c’est sûrement une photographie de presse qui a dû me marquer en premier, comme une du 11 septembre, par exemple.
Un shooting rêvé ?
Je rêve de photographier un jour Russell Tovey, dont je suis fan (et secrètement amoureux évidemment) depuis que je l’ai découvert dans la série Looking, il y a dix ans. J’aimerais également photographier Jul, Béatrice Dalle et tellement d’autres artistes, acteurices et personnalités que j’admire, mais aussi toutes ces personnes inconnues et fascinantes que je croise dans la rue, ici ou là, mais face auxquelles je suis souvent trop timide pour leur demander de poser.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Il y en a beaucoup, mais en ce moment je suis complètement obsédé par le travail de Louis Fratino.
Une émotion à illustrer ?
Le plaisir, lorsqu’il est si intense que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas de douleur.
Un genre photographique, et celui ou celle qui le porte selon toi ?
Le portrait, car de manière générale, ce qui m’intéresse le plus dans une image, c’est l’humain, le corps, la vie. Et il y a tellement de portraitistes incroyables ! Ne sachant qui citer en particulier, j’ai pensé au très beau livre Hustlers d’Eve Fowler et aux portraits géniaux de Peter Hujar.
Un territoire, imaginaire ou réel, à capturer ?
La Méditerranée, qui m’attire comme un aimant, et ses villes magnifiques comme Marseille, Naples ou Athènes.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
L’intimité et le rapport aux corps.
Un évènement photographique que tu n’oublieras jamais ?
L’exposition de Wolfgang Tillmans au Carré d’Art, à Nîmes, en 2018. C’est la première fois que j’ai eu la chance de voir une exposition de cet artiste que j’adore. Et un évènement photographique : la découverte de Heaven is a prison, de Mark Armijo McKnight. C’est un de mes livres préférés, je ne m’en lasse pas. Ces deux corps qui s’aiment sous un soleil de plomb, dans une nature sauvage. La beauté à l’état pure.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
Je suis très inspiré par la peinture et le cinéma, deux médiums qui ont un lien très fort à la photographie. Pour le premier, je pense à Vojtěch Kovařík et ses corps géants, qui remplissent le cadre jusqu’à en déborder. À Miriam Cahn aussi, à la puissance brute qui nous submerge face à ses compositions. Pour le second, je pense à David Lynch et à David Cronenberg qui m’ont énormément marqué et dont les œuvres ne cessent de nourrir ma créativité.