Enjeux sociétaux, troubles politiques, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur nos pages ne cessent de raconter, à travers l’image, les troubles de notre monde. À travers des prismes différents, des angles, des regards, des pratiques variées ils et elles se font les témoins d’une contemporanéité en constante évolution. Ce mois-ci, à l’occasion de la Journée internationale de la paix, nous avons souhaité revenir sur des travaux explorant la notion de colonisation, et ses conséquences sur les sociétés actuelles. Une manière pour les artistes publiés sur fisheyemagazine.fr de faire intervenir les notions d’héritage, d’engagement, d’histoire dans leur pratique. Lumière sur quatre d’entre elleux : Juan Brenner, Elliott Verdier, Flora Nguyen et Delphine Diallo.
Dans les sociétés comme dans les intimités, dans les institutions comme dans les imaginaires, l’héritage colonial s’incarne pleinement dans le monde contemporain. À l’époque de l’invasion des pays dominés, elle se traduisait par la spoliation, la mise en esclavage, la déshumanisation, le génocide, justifiés par le racisme. De nos jours, en France par exemple, il y a les violences policières, la marginalisation des populations immigrées, les inégalités et les discriminations sociales, dans lesquelles il s’agit d’identifier une même logique raciste que celle qui a animé le colonialisme. Il faut voir, également, l’ensemble des conséquences politiques, sociales et environnementales désastreuses sur les anciens pays colonisés.
Dans notre épisode Focus #48, Juan Brenner montre un colonialisme persévérant jusque dans les recoins les plus insoupçonnés de notre psychisme. Le photographe revient sur les débuts de la colonisation espagnole au Guatemala, et montre que la plupart des problèmes quotidiens qui touchent le pays aujourd’hui – de la corruption à la violence et aux mensonges du gouvernement – sont nés il y a plus de 500 ans. Mais aussi, que de nombreuses traditions dont les Guatémaltèques sont fier·es ont été instaurées par les envahisseur·ses, à ce moment-là.
Le travail d’Elliott Verdier, quant à lui, est révélateur de la répétition des schémas esclavagistes au fil du temps. L’auteur donne la voix aux Libérien·nes, mettant en lumière les ravages liés aux guerres civiles dans les années 1990. À l’origine de cela ? La déportation de populations nées avec une culture américaine dans un territoire lointain, déjà habité, au prétexte que celui-ci serait la terre de leurs ancêtres.
Flora Nguyen, photographe française d’origine vietnamienne, interroge les représentations coloniales et exotiques, à travers la perception des femmes asiatiques… pour mieux relier le colonialisme à son frère – ou à son père, selon les débats –, le patriarcat. Ce travail est à découvrir dans un long et passionnant entretien qu’elle a accordé à Fisheye.
Delphine Diallo, enfin, aborde en particulier la question du corps, en tant que femme noire : le corps soumis à la domination, le corps abîmé par le regard de l’oppresseur·se, mais aussi, le corps dans sa proximité avec la puissance et le divin. Elle entend à travers sa pratique répondre à la violence des images coloniales, et entreprendre une anthropologie thérapeutique – une véritable déconstruction par l’art.