Les coups de cœur #448 : Giovanni de Mojana et Rehab Eldalil

03 juillet 2023   •  
Les coups de cœur #448 : Giovanni de Mojana et Rehab Eldalil
© Rehab Eldalil / Broderies réalisées par des bédouines d'Égypte
© Giovanni de Mojana
© Giovanni de Mojana

Cette semaine, Giovanni de Mojana et Rehab Eldalil, nos coups de cœur #448, s’intéressent à la ferveur des communautés. L’un y capture ses moments de liesses, quand l’autre se penche davantage sur le rapport à l’appartenance.

Giovanni de Mojana 

« Lorsque je capture, j’ai le désir constant de disparaître de la scène, d’être invisible », explique Giovanni de Mojana. Né en 1995, l’auteur italien se passionne pour le 8e art alors qu’il est étudiant en cinéma à Berlin. Bien que les films aient toujours occupé une place importante dans sa vie, il rejoint en 2021 une agence de publicité en tant que photographe. « Quand j’ai quitté ce travail, un ami et moi avons décidé de partir pour un voyage de deux semaines au Maroc. Il a coïncidé par hasard, ou intentionnellement, avec la Coupe du monde 2022. Nos journées ont été profondément marquées par les exploits de l’équipe marocaine », se remémore l’artiste. De cette escapade nait la série Sir sir sir qui signifie « go go go » et rappelle les sons scandés par la foule marocaine les jours de matchs. « Tout notre voyage a été lié à ce sentiment d’espoir, de joie et de peur qui traversait le pays. Il était palpable et transcendait les frontières sociales, économiques et politiques. Il résonnait chez les jeunes et les moins jeunes, que ce soit dans des rues animées ou dans les dunes du désert balayées par le vent », précise-t-il. Entre clichés documentaires et visuels cinématographiques, ses images se teintent d’une colorimétrie chaude ou laissent place à un jeu d’ombre captivant, comme cette image d’un enfant dans le train, son regard posé vers l’extérieur. « J’aime à penser que nous sommes tous ce jeune garçon – coincé quelque part dans la vie, mais constamment à la recherche de quelque chose de nouveau à venir. J’aime aussi l’expression de sa mère, à peine visible, mais toujours présente, nous protégeant discrètement » confie Giovanni de Mojana. Un véritable conte visuel oscillant entre suggestion subtile et contemplation enivrante. 

© Giovanni de Mojana
© Giovanni de Mojana
© Giovanni de Mojana
© Giovanni de Mojana
© Rehab Eldalil / Broderies réalisées par des bédouines d’Égypte
© Rehab Eldalil

Rehab Eldalil

« Je cherche à remettre en question les cadres documentaires traditionnels en développant des méthodes qui permettent d’impliquer les sujets dans le processus créatif. J’essaie de faire s’embrasser les médiums afin de dépasser les limites de la photographie. Je développe ainsi des narrations visuelles superposées qui remettent en question l’exotisme des communautés, y compris la mienne en tant que femme africaine et arabe », nous confie la photographe documentaire et éducatrice Rehab Eldalil. C’est à la suite de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011 qu’elle réalise la nécessité de capturer les instants décisifs, de documenter l’histoire de l’intérieur. Ainsi nait sa vocation et défilent ensuite les inspirations : Susan Meiselas pour son engagement humain et artistique, Taryn Simon pour son approche d’investigation ou encore Tanya Habjouqa pour ses portraits collaboratifs. Dans son projet au long cours, assemblé dans un bel ouvrage, The Longing Of The Stranger Whose Path Has Been Broken, la photographe s’est immiscée dans la communauté bédouine du sud du Sinaï, en Égypte, afin d’y explorer la notion d’appartenance, et leur relation avec la terre qu’iels occupent. Mélangeant les approches, faisant intervenir les bédouines à la broderie sur certaines de ses images, elle tisse avec elles le fil de l’interconnexion et de l’héritage, et ainsi délie ses propres interrogations « Ce sont les femmes bédouines du Sinaï qui m’ont fait découvrir la broderie au cours de ce projet. Je suis une Bédouine de la diaspora qui n’a pas été élevée dans son pays natal. Lorsque j’ai commencé à travailler sur cette série, je cherchais désespérément à me rapprocher de mes ancêtres dans l’espoir d’en apprendre davantage sur mon identité complexe À ce stade, la broderie m’a donné l’occasion de m’engager auprès de la communauté et est devenue un moyen de renouer avec mes racines .Le résultat de cette série est pareil à une danse, une conversation visuelle sur le processus humain continu de recherche d’un foyer et une célébration de l’expérience indigène », conclut-elle.

© Rehab Eldalil / Broderies réalisées par des bédouines d’Égypte
© Rehab Eldalil
© Rehab Eldalil / Broderies réalisées par des bédouines d’Égypte
© Rehab Eldalil
Explorez
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
© Diane Desclaux
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique...
03 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
© Thomas Cheung / Instagram
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
C’est sous le signe du Serpent de bois, incarnant la sagesse et la réflexion, que s’ouvre la nouvelle année lunaire. Les artistes de...
28 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
© Aletheia Casey
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye sondent la société par l’entremise de mises en scène, de travaux...
23 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger