Si Fisher Sun et Verena Gotthardt, nos coups de cœur #471, s’inspirent toutes deux des scènes du quotidien, elles se distinguent néanmoins dans leur manière d’appréhender le médium. La première porte un grand intérêt pour le hors-champ tandis que la seconde se passionne pour la création et le devenir de l’image.
Fisher Sun
« Je n’aime pas être limitée par une forme établie. La plupart des gens pensent qu’une photographie n’est contenue que dans le cadre, mais l’image que nous créons se situe dans le monde en dehors du cadre. C’est quelque chose d’unique qui ne peut être remplacé », déclare Fisher Sun. Diplômée en architecture, l’artiste taïwanaise trouve dans la photographie un refuge pour exprimer ses émotions et fuir la réalité. En 2020, faute de posséder un équipement haut de gamme, elle décide d’explorer le médium d’une autre manière, en utilisant la caméra de son téléphone portable. Depuis, elle shoote principalement avec son mobile et collabore notamment avec Apple. À travers les images de Fisher Sun, les flous artistiques et les différentes personnalités des modèles se confondent à ses thématiques de prédilection. « J’aime explorer la riche culture chinoise de mon pays, Taïwan, en me concentrant particulièrement sur la manière d’initier un plus grand nombre de personnes à la calligraphie, aux cultures indigènes, aux modes de vie… », précise-t-elle. De ses compositions émane un fort attrait pour la photographie de mode. Et pourtant, l’autrice puise son inspiration essentiellement dans le quotidien, au détour d’une balade en vélo, sans but précis, afin de laisser son esprit divaguer. « Dans le domaine du 8e art, ce n’est pas seulement le·a créateurice qui est essentiel·le, mais il est tout aussi vital de cultiver un public qui l’apprécie. Après tout, même un beau cheval a besoin de quelqu’un pour apprécier ses qualités, tout comme les plus grand·es artistes ont besoin d’un public qui comprenne les nuances de leurs œuvres. La culture des sensibilités esthétiques et des expériences émotionnelles de la beauté fait souvent défaut dans la société moderne », conclut-elle.
Verena Gotthardt
« Je suis devenue photographe en regardant les choses de près, en particulier mon environnement », commente Verena Gotthardt. Également écrivaine, l’artiste viennoise a toujours été fascinée par la création des images, qu’elles soient composées à l’aide d’un boîtier ou de mots, et par la manière dont elles défient le temps qui défile. « C’est vraiment l’acte d’observer qui a d’abord attiré mon attention. Attendre patiemment le bon moment, appuyer sur le déclencheur, attendre encore un peu et se laisser surprendre par le résultat qui est à chaque fois complètement différent du souvenir de la photographie que je pensais avoir prise… Tout ce processus m’intéresse », explique-t-elle. Dans une approche tournée vers l’exploration conceptuelle, elle saisit ainsi des instants à la volée. Dans des nuances sourdes, le flou s’apparente à un voilage qui habille les réminiscences diffuses. Mis bout à bout, les clichés donnent alors à voir quelques séquences des plus banales, qui rythment pourtant le quotidien de beaucoup d’entre nous. « J’aime le fait qu’avec le temps, la signification et même les intentions de ces images changent, mais qu’elles ne perdent jamais vraiment leur importance », étaye-t-elle.