Émilie Möri et Clara Baudry, nos coups de cœur #472, utilisent le médium photographique pour étudier des problématiques sociales. À cet effet, la première compose des images édulcorées, aux lignes géométriques, tandis que la seconde privilégie des monochromes granuleux.
Émilie Möri
Au fil de ses images, Émilie Möri nous plonge dans un univers dans lequel le minimalisme s’exprime en nuances pastel. « Je ne peux me départir des couleurs. Certaines reviennent au fil du temps dans mes travaux et constituent malgré moi mon identité visuelle », précise-t-elle. Collectionneuse de livres photo et fortement inspirée par les pochettes d’album, l’artiste porte une attention particulière à ceux qui donnent à voir des portraits animés par l’émotion brute, le mouvement et la danse, ou autant de sujets qui la touchent que d’éléments que nous retrouvons dans ses créations. « Mon approche est d’abord graphique. Je dessine parfois sur des tirages, les déchire, je n’ai pas peur d’abîmer pour expérimenter. Je fuis le reportage et je préfère la mise en scène, la composition d’une image. Sans doute car je ne montrerai pas de clichés de ma vie quotidienne », explique-t-elle. Avec pudeur, mais non sans dérision, elle évoque ainsi les thématiques personnelles que sont la féminité, l’amour, la créativité, mais aussi l’environnement, la charge mentale, le deuil ou encore le vide. « On retrouve, quelle que soit les séries, le bruit du silence, celui qui invite à sa propre musique, indique-t-elle. Il s’agit de donner à voir une certaine forme de réalité, celle que l’on choisit de figer pour la transmettre aux générations futures. »
Clara Baudry
« Je crois que l’essence même de mon œil-caméra s’est formée grâce au cinéma. Il y a des images qui m’ont bouleversée, adolescente, et qui sont encore motrices au fond de moi. Par exemple, les films de Wong Kar-wai, In the Mood for Love ou Chunking Express. D’ailleurs, dans la scène d’intro de Chunking Express, Wong Kar Wai fait une succession d’arrêts sur images dans le montage. J’ai toujours pensé qu’il montrait, par cette astuce, une proposition de définition du geste photographique. Pour moi, ces inserts révèlent l’intime lien du cinéma de la photographie », commence Clara Baudry. Pendant deux ans, la réalisatrice et photographe a composé Roche-corps, une série autour de la performance du corps, souvent soumis à la représentation sociale. « Je me suis demandé si l’intimité subissait elle aussi le joug de l’artificialité. Ou si à l’inverse, l’intention de donner à voir un corps idéal pouvait s’annuler au contact de l’intime », étaye-t-elle. À l’image, les êtres en confiance – « mes ami·es, mes sœurs, mes amoureux » – se dévoilent ainsi au bord de l’eau, lieu propice à l’exercice. En se mêlant tout à fait à l’environnement, ceux-ci se métamorphosent alors en « de la roche-corps, matière intime du réel ».