Martin Bousquet et Yulissa Aranibar, nos coups de cœur de la semaine, examinent les territoires et les populations qui les habitent. Plaçant l’humain·e au centre de leurs recherches visuelles, les deux photographes s’emparent de la rue et de la mode pour conter des récits singuliers.
Martin Bousquet
« La photographie m’offre un exutoire dans lequel mes pensées et mes actes se concentrent uniquement sur la création », affirme Martin Bousquet, jeune artiste autodidacte. Puisant ses inspirations autant dans les interactions avec ses proches que dans le cinéma de Wong Kar-wai, de Tim Burton ou dans la photographie de Elliott Erwitt, il explore les facettes de sa propre personnalité et le monde qui l’entoure. « J’ai du mal à exprimer le contenu de ma vie par écrit, alors je me sers de mon œil comme d’une encre et de mon appareil comme d’un stylo plume », soutient celui qui depuis cinq ne sort jamais sans son boîtier offert par ses grands-parents. Témoignant de son vécu ou de celui des autres, Martin Bousquet place l’humain·e au centre de son travail. Il l’approche par la rue et par la mode – qu’il conçoit comme « intrinsèquement liées » – avec beaucoup d’intuition ou dans les lieux d’intimité de son entourage. Sur ses images, inconnu·es ou ami·es se dévoilent, prennent la pose. « J’ai une volonté de sublimer l’esthétique parfois invisible de nos existences », révèle-t-il. Moment espiègle dans une chambre à coucher, deux petites filles dans un train au Sri Lanka, un motard fier devant un paysage aride entre chien et loup, le photographe saisit avec une légèreté sensible son voyage personnel à travers la vie.
Yulissa Aranibar
Yulissa Aranibar est née à Lima, au Pérou. Mais sa famille part s’installer à Milan, en Italie. « J’étais trop jeune pour me souvenir de mon quartier, connu pour être dangereux, avoue-t-elle. Mais à chaque fois que j’y retourne, je peux dire que mes yeux d’adultes sont pleins de curiosité. » Établie aujourd’hui à Paris, la photographe sonde son héritage péruvien. Elle capture les populations latino-américaines vivant en Europe, voyage sur sa terre natale à la découverte d’histoires à révéler. Elle s’empare de la rue et en fait le théâtre de récits jamais racontés. « J’explore des lieux où même les Péruvien·nes n’osent pas mettre les pieds, car j’ai envie de donner une voix à celles et ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir l’exprimer », explique l’artiste. S’inspirant de sa culture, du folklore, des couleurs et de la mode – notamment le streetwear –, elle lève le voile sur les rêves, les difficultés, les quotidiens de ses compatriotes. Dans sa série Impérial Skaters, elle conte la chronique singulière des skateur·ses de Cuzco, « le nombril du monde et la capitale de l’Empire inca », ajoute-t-elle. Leur particularité : iels glissent à 3339 mètres d’altitude. Yulissa Aranibar infiltre un groupe au skatepark et saisit leurs figures, leurs occupations baignées dans la lumière des Andes. « Le skateboard n’est pas considéré au Pérou et la société le voit comme un sport pour les gens qui n’ont rien à faire. Pourtant, il est la vitrine d’une jeune génération talentueuse de Péruvien·nes », conclut-elle.