« L’Inventaire infini » : anthologie de l’image vernaculaire

17 octobre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« L’Inventaire infini » : anthologie de l’image vernaculaire

Dans le cadre de sa rétrospective, accueillie par le Centre Pompidou, le réalisateur Sébastien Lifshitz dévoile sa collection photographique : L’Inventaire infini. Une exposition faisant l’éloge de l’image vernaculaire.

C’est après avoir étudié l’art à l’école du Louvre que Sébastien Lifshitz s’est tourné vers le cinéma. « Je me destinais à être photographe depuis mon adolescence, mais finalement le 7e art a fait bifurquer ma vie », précise-t-il. L’image fixe, cependant, continue à influencer l’artiste, qui réalise quelques séries, en parallèle de ses films. « Il s’agit d’une photographie posée, basée sur le portrait. J’ai également développé des séries plus expérimentales, en plaçant toujours au cœur de mes créations la mise en scène, la pose et la fiction » explique-t-il. Très jeune, il commence une collection d’images vernaculaires. Des œuvres d’anonymes qu’il trouve dans des marchés aux puces, des clichés ordinaires que personne ne semble vouloir. « Au fil du temps, je me suis rendu compte que mon geste était obsessionnel, et j’ai commencé à réfléchir, à trier ces images et à penser des récits à travers elles », confie le réalisateur.

L’Inventaire infini, contrairement à Mauvais Genre – exposition accueillie par le Centre Pompidou en 2016, dédiée aux travestis et à la photographie amateur, dont Sébastien Lifshitz avait assuré le commissariat – ne s’attarde pas sur un seul thème. « Cet événement est une anthologie très subjective de l’image vernaculaire », explique l’artiste. Divisée en une dizaine de thèmes, explorant les notions d’identité, d’amour, de désir, de récits ou encore de jeux et d’expérimentations photographiques, l’exposition entend « montrer la richesse, la diversité, la formalité, l’esthétique et la narration de ces images singulières ».

© Collection Sébastien Lifshitz

Capturer l’incroyable et l’intime

« Depuis les impressionnistes, et les peintres du 19e siècle qui ont beaucoup utilisé ce médium, nous connaissons l’importance de la photographie dans l’art, mais je ne suis pas sûr que nous mesurions l’importance de ce genre d’image »,

poursuit le réalisateur. Il y a pourtant une certaine dimension poétique dans les clichés de cet Inventaire infini. Une collection dévoilant le génie accidentel et évoquant certains aspects de l’art brut. Pourtant, pour Sébastien Lifshitz, l’image vernaculaire n’est pas artistique. « Elle inclut la photographie de famille, de police, l’imagerie scientifique. Elle possède une diversité gigantesque et regorge de clichés incroyables », précise-t-il.

Ludiques, belles, étranges et mystérieuses, ces œuvres de l’ordinaire nous ont tous influencés. Elles nous accompagnent tout au long de notre vie, entourent nos exploits comme notre routine. Elles capturent l’incroyable et l’intime avec une honnêteté désarmante. Au fil de la visite, le regardeur est invité à plonger dans cet univers grotesque, à la recherche d’une certaine familiarité. « Puisque nous n’avons pas d’informations sur ces images, elles restent des énigmes… Et nous pouvons projeter ce que nous souhaitons dessus », conclut l’auteur. Souvent dénigrée, la photographie amateur documente notre évolution sans artifice, témoin discret de l’histoire humaine. En exposant ainsi sa collection, Sébastien Lifshitz rend hommage à ces images banales, proposant au visiteur un voyage dans un imaginaire aussi proche qu’insensé.

 

L’Inventaire infini – Sébastien Lifshitz

Jusqu’au 11 novembre 2019

Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris 4

© Collection Sébastien Lifshitz© Collection Sébastien Lifshitz

© Collection Sébastien Lifshitz

© Collection Sébastien Lifshitz© Collection Sébastien Lifshitz

© Collection Sébastien Lifshitz

© Collection Sébastien Lifshitz

Explorez
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Juno Calypso : palais paranoïaque
© Juno Calypso. What to Do With a Million Years ? « Subterranean Kitchen »
Juno Calypso : palais paranoïaque
Dans sa série What to Do With a Million Years ?, la photographe britannique Juno Calypso investit un abri antiatomique extravagant non...
20 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
© Maria Louceiro / Instagram
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’approprient la couleur. En hommage aux beaux jours qui reviennent doucement...
18 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
© Karin Noguchi / Instagram
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine poursuivent le rayon lumineux du soleil. Celui qui aveugle, celui qui réchauffe...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Marie Baranger
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
© Kianuë Tran Kiêu
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
Kianuë Tran Kiêu fait de l’art un espace de connexion et de transmission où la vulnérabilité devient une force. Chaque projet est une...
24 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Les coups de cœur #533 : Martin Bousquet et Yulissa Aranibar
Imperial skaters © Yulissa Aranibar
Les coups de cœur #533 : Martin Bousquet et Yulissa Aranibar
Martin Bousquet et Yulissa Aranibar, nos coups de cœur de la semaine, examinent les territoires et les populations qui les habitent....
24 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
© Aletheia Casey
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye sondent la société par l’entremise de mises en scène, de travaux...
23 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet