American Boys : portraits non binaires

03 avril 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
American Boys : portraits non binaires

Photographe queer, Soraya Zaman a voyagé d’un bout à l’autre des États-Unis pour rencontrer des hommes transgenres. Dans American Boys, l’artiste déconstruit les clichés de la masculinité.

Soraya Zaman se définit comme une personne « biraciale, queer, non binaire, s’identifiant aux pronoms they et them, en anglais ». D’origine australienne, l’artiste a déménagé à New York il y a sept ans, afin de poursuivre sa carrière de photographe. « Je suis autodidacte, précise Soraya Zaman. Alors que je travaillais dans le secteur économique, j’ai pris la décision de démissionner, et de partir faire le tour du monde. J’ai voyagé de Hong Kong au Caire, avec mon boîtier pour seule compagnie, et en rentrant, j’ai su que je voulais faire de la photographie mon métier. » Ses images, aussi brutes que tendres, subliment l’humain sans artifice. Une manière de révéler la complexité de chaque personne avec authenticité.

Pour réaliser American Boys, l’artiste a sillonné les États-Unis, en passant par les immenses métropoles, comme par les petites villes perdues au milieu du territoire. De ce périple, Soraya Zaman a rapporté 29 portraits d’hommes transgenres. « Chaque image révèle un bout de leur vie, leur personnalité, leur honnêteté, leur humour, leur beauté, leur force et leur vulnérabilité, précise l’auteur/e. Ce travail fait découvrir au regardeur un genre en dehors des normes binaires. Il interroge sa perception des rôles traditionnels des genres. »

Si Soraya Zaman réalise des travaux éditoriaux, il/elle souhaite fusionner ses réalisations personnelles, interrogeant les notions de genre et de sexualité, avec ses créations commerciales. « Mon objectif ? Pousser l’industrie photographique à accepter les genres non binaires devant et derrière l’objectif : les modèles, mais aussi les photographes, assistants, stylistes, directeurs artistiques, producteurs, etc. » Un changement bénéfique, au cœur d’une industrie dépendante de l’apparence.

© Soraya Zaman© Soraya Zaman

Une masculinité décomplexée

Une bataille que l’artiste livre également dans American Boys. En représentant des personnes de différents milieux, il/elle donne la parole à des hommes courageux, assumant leur différence, malgré l’intolérance de certains environnements. « Je ne souhaitais pas seulement représenter les îlots queer de New York ou Los Angeles. Selon moi, il faut encore plus de bravoure pour oser exister en tant qu’homme transgenre dans des petites villes isolées », précise l’auteur/e. Organiques et élégants, les portraits donnent à voir des personnes transgenres à différents stades de leur transformation. Des images tendres, sublimant la réalité d’une telle métamorphose – les cicatrices des chirurgies se devinent sur les corps, symboles d’une expérience aussi difficile que libératrice.

En intitulant son ouvrage American Boys, Soraya Zaman joue avec la symbolique du jeune garçon. Une image nostalgique, ancrée dans notre imaginaire collectif. Si cette vision évoque une certaine tendresse, elle renvoie également à un modèle conventionnel des genres. Un cliché que le/la photographe tente de détruire à travers ce projet. Torses nus et fiers, défiant la caméra du regard, les modèles d’American Boys mettent en avant une nouvelle masculinité décomplexée. Ils illustrent « une réalité plus complexe et nuancée, représentants d’un univers au-delà des normes binaires ».

 

American Boys, édition Daylight Books, 45 $, 188 p.

© Soraya Zaman© Soraya Zaman
© Soraya Zaman© Soraya Zaman
© Soraya Zaman© Soraya Zaman

© Soraya Zaman

Explorez
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
© Carolle Bénitah
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les...
25 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
© Stefanie Moshammer
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
Les images de Stefanie Moshammer s’inspirent d’expériences personnelles et de phénomènes sociaux, à la recherche d’un équilibre entre...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
© Christopher Barraja
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
La photographie analogique ne cesse de séduire un large public. Pour Fujifilm, Aliocha Boi et Christopher Barraja s’emparent de l’Instax...
26 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill