C’est un périple haut en couleur que nous offre cette année encore, le festival ImageSingulières de Sète. Vu d’Espagne, qui présente des tirages dans des conteneurs et des projections, nous donne un aperçu du travail de sept photographes espagnols découverts par Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU’ et conseiller artistique du festival, au cours des 30 années écoulées. De l’humour subtil de Chema Madoz à l’approche poétique de Juan Manuel Castro en passant par l’Espagne traditionnelle de Cristina Garcia Rodero, ou par les sublimes tirages au platine d’Isabelle Muñoz, on (re)découvre beaucoup de très belles choses. Le fondateur de l’agence Vu’, qui a grandi et étudié à Toulouse, a toujours été un amoureux de la photographie espagnole ; ce panorama nous le démontre.
Toujours de l’agence Vu’, les travaux d’Anders Petersen et d’Alberto Garcia-Alix sur Valparaiso se donnent la réplique dans deux styles différents. Si les deux univers utilisent chacun le noir et blanc, les images rectangulaires et contrastées du premier donnent une vision assez ténébreuse, à laquelle répond un regard plus poétique des clichés carrés du second. À Sète les joutes sont une tradition bien ancrée, elle est ici superbement illustrée.
Détours du côté de la Belgique avec les prisons de Sébastien van Malleghem et une série de portraits de l’aristocratie belge vue par Rip Hopkins. Belgian Blue Blood, la galerie colorée et décalée qu’il a su en tirer oscille entre humour et ironie. La photographie belge, décidément très en forme, est aussi une des lignes de force qui traversent l’agence.
Christian Lutz, lui aussi à Vu’, a décidé d’arpenter Los Angeles de nuit. Mais loin des images attendues de « la ville qui ne s’éteint jamais » illustrant le rêve américain, le photographe suisse a choisi de montrer l’envers du décor de la grande fabrique à illusions. Insert Coins, son exposition, nous montre de nombreux artistes sur le bord du trottoir, comme rejetés par une machine infernale. Et ses photos aux couleurs saturées nous entraînent dans une douce mélancolie acidulée.
Le ton est plus grave avec le travail Guillaume Herbaut qui radiographie l’Ukraine en même temps qu’il interroge sa pratique photographique depuis plus de quinze ans. Les extraits de ses voyages et de ses diverses séries dessinent avec finesse la cartographie d’un pays en mutation constante. « Mis bout à bout tous ces reportages sont un puzzle qui me préparait à suivre la révolution Maïdan et la guerre », précise le photographe.
La France est elle aussi passé au crible des photographes documentaires. Que ce soit avec La Parade, un « conte photographique » imaginé par Samuel Bollendorff, ou avec Flavio Tarquinio qui a suivi 17 ans durant un couple du nord de la France mettant en scène ses rêves dans une esthétique proche de l’art brut. Sans oublier La France vue d’ici, un projet mené avec Mediapart, destiné à produire des reportages en vue d’une exposition et d’un livre l’an prochain, à la veille de l’élection présidentielle.
Enfin, le festival organise chaque année une résidence qui, pour la première fois a été menée de manière collective. Quatre jeunes photographes chiliens se sont immergés dans la cité sétoise pour en proposer une fresque tonique et stimulante, mais nous aurons l’occasion de vous en reparler très bientôt.