Le festival Itinéraires des photographes voyageurs célèbre sa 34e édition à Bordeaux du 2 au 27 avril 2025, mettant en lumière des approches humanistes, documentaires et expérimentales. Dans un contexte de coupes budgétaires, ce festival est crucial pour soutenir les auteur·ices émergent·es comme confirmé·es.
Depuis sa création en 1991, le festival Itinéraires des photographes voyageurs s’est imposé comme un rendez-vous incontournable pour les passionné·es de photographie. Cette année, la 34e édition, qui se tiendra à Bordeaux du 2 au 27 avril, promet de mettre à l’honneur des talents aussi diversifiés qu’inspirants. Porté par l’association éponyme et animé par la fondatrice Nathalie Lamire Fabre et par Vincent Bengold, le festival reste fidèle à sa mission de promouvoir la photographie d’auteur·rice, humaniste, documentaire et expérimentale, toujours en lien avec le voyage. Dans un contexte où les coupes budgétaires frappent durement le secteur culturel, il est crucial que des événements comme celui-ci continuent d’exister pour soutenir les artistes et défendre la richesse de la création photographique. En 2025, le festival mettra en lumière des photographes tel·les que Benjamin Barda, Bénédicte Blondeau, Arno Brignon, Anne-Lise Broyer et bien d’autres, offrant une plateforme précieuse pour ces talents émergents et confirmés.
Arno Brignon : États-Unis, pour le meilleur et pour le pire
Parmi les photographes présent·es cette année, Arno Brignon se distingue particulièrement avec son projet Us. Son approche désenchantée, originale et directe du typique road trip aux États-Unis offre une perspective unique sur le paysage américain, en s’émancipant de tout romantisme et des traces laissées avant lui par le photographe Robert Frank, le cinéaste Wim Wenders, les écrivains Jack London et Jack Kerouac. Son parti pris est celui de partir accompagné de son épouse et de leur enfant, pour rompre le côté huis clos introspectif mis en avant par ses prédécesseur·es. À travers ses clichés, Arno Brignon parvient à capturer l’essence d’un pays qu’il avoue ne pas comprendre et ne pas réussir à aimer. Il y a trois ans, le photographe projette un périple aux États-Unis « pour parler de cette société aux parfums post-démocratiques, à ce moment où populisme et technocratie semblent s’affronter un peu partout en Occident. Regarder ce pays né des colons venus d’Europe qui en ont chassé les autochtones, c’est nous regarder aussi, écrit-il dans son journal de bord, tant nos liens sont forts et tant nos États sont unis pour le pire et le meilleur. »
Au cours de la série, on découvre des villes fantomatiques, portant les noms de capitales européennes, comme Amsterdam, Copenhagen, Berlin, Lisbon, London, Dublin, Brussels, Luxemburg, Rome, Athens, Paris, Madrid. C’est le portrait d’une société ravagée par l’absence de lien social. Un univers aux allures de dystopie au sein duquel la peur de ses propres voisin·es nourrit les pires angoisses existentielles. La chaîne Fox News est toujours en toile de fond, rythmant les journées des habitant·es. Ce travail est aussi une plongée dans tout ce qui compose le processus de création, y compris les sentiments les plus perturbants. Comme l’écrit la journaliste Magali Jauffret dans L’Humanité, « dans cette ambiance à la Twin Peaks, il nous fait partager sa peur de produire un mauvais plagiat, son sentiment d’imposture, écartelé qu’il est entre devoirs familiaux et injonctions photographiques ». Alors que l’actualité étasunienne ne cesse de bousculer notre vision du monde européano-centrée, ce documentaire vient nous éclairer sur un Occident se prétendant invincible alors que son écroulement est palpable à tous les coins de rue.