Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent. Aujourd’hui, Sophie Alyz nous plonge dans son univers poétique, façonné par les expérimentations.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
C’est une question difficile, car je reviens très peu sur mon travail passé, je choisirais donc une image relativement récente : « La Vague », une photo prise à Dieppe. C’est un cyanotype teint, tiré de Disquiet. Cette série aborde le thème de la dépression. Il est assez rare que je me penche sur des sujets intimes, mais j’ai réalisé combien ce sujet était encore tabou et il m’a semblé important d’en parler.
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ?
Je me souviens très clairement des premières images qui m’ont fortement marquée, mais il s’agissait d’illustrations de livres plus que de photos. Il y a notamment une édition que j’ai retrouvée chez ma mère, récemment, et qui me fascinait quand j’étais enfant : De l’autre côté du miroir et de ce qu’Alice y trouva, de Lewis Carroll, illustré par Jocelyne Pache, chez Flammarion, en 1975. Le livre est en piteux état, mais je suis très heureuse de l’avoir retrouvé !
Un shooting rêvé ?
J’aime de plus en plus traiter de sujets dits « documentaires » avec, d’un point de vue artistique, une approche expérimentale. C’est un peu ce que j’ai eu l’occasion de faire l’année dernière lors de la résidence Planches Contact/Photo4Food, avec la série Les Atomes à coquilles, qui abordait l’érosion côtière en Normandie, ou avec Chère Maman, ici tout va bien, qui documentait les incendies de Gironde en 2022. Je serais très heureuse de me voir confier des sujets documentaires à traiter avec une écriture assez expérimentale.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Le terme est un peu fort, mais je suis profondément touchée et inspirée par l’œuvre du peintre danois Vilhelm Hammershøi. J’ai découvert son travail lors d’une exposition à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, en 2013, ça a été une sorte de révélation. Il y a eu un avant et un après Hammershøi dans mes inspirations.
Une émotion à illustrer ?
Je dirais que je cherche plutôt à illustrer cet espace où se rencontrent deux émotions, cette zone un peu trouble où des sentiments qui paraissent contradictoires cohabitent, comme la mélancolie et la joie, la colère et la motivation, le désir et la peur par exemple. Ce sont ces endroits hybrides qui m’intéressent le plus.
Un genre photographique, et celui ou celle qui le porte selon toi ?
Il m’est impossible de choisir un seul genre, car beaucoup m’émeuvent, depuis la poésie de Pentti Sammallahti à la mode de Sarah Moon, en passant par l’approche écologique de Nick Brandt, il y en a tant ! C’est très varié, mais, quels que soient le genre et l’esthétique, c’est avant tout la sensibilité et la sincérité d’un photographe qui priment selon moi.
Un territoire, imaginaire ou réel, à capturer ?
Une ville engloutie.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
J’aime beaucoup le fait que de plus en plus de photographes abordent des thématiques écologiques avec des visions très différentes, depuis la photo documentaire pure aux expérimentations plus abstraites, en passant par les approches plus intimes. Il est intéressant et encourageant de voir que tant d’artistes ont des choses à dire à ce sujet.
Un événement photographique que tu n’oublieras jamais ?
L’exposition Sarah Moon, Coïncidences à la MEP en 2003. C’est peu de temps après cette visite que j’ai décidé de me mettre réellement à la photo. Je tournais autour du pot depuis plusieurs années, ça a été le déclencheur.
Dans un tout autre genre, mais qui est également très importante à mes yeux : l’exposition Gilles Caron, Le conflit intérieur, au musée Photo Élysée à Lausanne, en 2013. Je n’avais jamais vu le photojournalisme abordé sous un tel angle, ça a été une véritable claque, j’ai rarement visité une exposition photo aussi forte.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
Le Phare sur la digue de Léon Spilliaert. Cette image est affichée au-dessus de mon bureau depuis des années, elle m’inspire énormément.