Depuis près de dix ans, à travers sa série Le Silence de la vallée, Pierre Rahier documente son environnement familial dans une vallée tranquille non loin de Namur. En images, il saisit le silence assourdissant qui règne dans les forêts et les dénivelés qui l’entourent et les interactions entre l’humain·e et le paysage dans lequel iel évolue.
Des enfants qui rient et qui interagissent avec des animaux – vivants ou morts. Des pans de montagnes aux courbes délicates. Des arbres élancés et des herbes dansantes. Des oiseaux dans le ciel et des ombres. Ces chapitres racontent l’histoire singulière d’une vallée calme et paisible en Belgique, dont le narrateur est Pierre Rahier. Le photographe, qui s’est formé il y a quelques années au Club photo de Namur, s’est emparé de son quotidien comme toile de fond de ses projets artistiques. « Mon appareil photo me sert de journal », confie-t-il. Poussant la porte de sa propre intimité, il compose Le Silence de la vallée. « Ce sont mes enfants et ma compagne sur les images. Elles sont toutes prises chez nous ou dans un rayon très proche, ajoute-t-il. C’est un travail qui s’est déroulé sur le long terme, une dizaine d’années. Je continue de photographier parce que ça m’intéresse. » Sans prétendre vouloir faire passer un message particulier, l’auteur cherche à replacer l’humain·e dans son environnement. Pour le faire, il s’appuie sur son contexte familial, au cœur de la nature et aux frontières du monde animal. Dans un échange amusé, Pierre Rahier saisit les moments espiègles de ses deux enfants, le jeu et les rires, la forêt qui peuple les sommets dans un monochrome contrasté et brumeux. « C’est un peu comme ça que j’ai fait poser mon fils – quand il était encore petit – devant la cabane qu’on avait construite au fond du jardin, avec une peau de renard sur la tête », se remémore-t-il.
Le silence est éloquent
Face à l’adversité de la vallée, le son du silence résonne. Ces moments de tranquillité sur les falaises, dans la brume, à l’aube sont pour Pierre Rahier d’une importance inouïe. Ils constituent l’essence même de sa série. « Je pense que la photographie est silencieuse, remarque l’artiste. Quand tu regardes une image, tu n’entends rien, tu ne peux que t’imaginer des bruits qui, par ailleurs, te seront propres. » L’insonorité est elle-même en opposition avec les murmures qui enveloppent la nature. Une branche qui craque, des oiseaux qui chantent, une moto qui roule sur le flanc de la montagne, le vent qui siffle, une bête pleine de vie dont le souffle est coupé court. Cette dualité entre le chahut et le mutisme du paysage s’exprime sur les images de Pierre Rahier. Une biche morte sur un chemin incarne le passage du bruit au calme. « C’est ma fille, lors d’une promenade qui l’a remarquée. Je ne sais pas de quoi elle a péri, mais il n’est pas impossible qu’elle se soit pris une balle de chasseur·euse, pense l’artiste. J’y suis retourné la nuit avec un flash et je l’ai photographiée sous différents angles. » Jouant avec la composition, neuf images deviennent une seule entité. Un fil conducteur se dessine, les êtres dialoguent entre eux, avec le paysage, naturel ou construit, avec les sons et les silences. « Emparez-vous du travail si ça vous intéresse, et puis imaginez-vous ce que vous voulez. Peu importe si ça vous touche, mais pourvu que ça vous touche », conclut-il, empli de gaieté.