Portraits rêvés

21 janvier 2021   •  
Écrit par Anaïs Viand
Portraits rêvés

Laurent Castellani, un artiste nantais de 40 ans, n’assume pas le statut de photographe, malgré son succès sur Instagram et la sortie de son ouvrage Reverie. Deux bonnes raisons de découvrir son univers délicat.

« Quand on est agoraphobe, il n’est pas toujours facile de communiquer physiquement avec le monde extérieur », annonce Laurent Castellani. Si ce dernier souffre de cette phobie depuis une quinzaine d’années, il a pourtant réussi, grâce au 8e art, à s’exprimer au-delà des frontières. Son Instagram – suivi par près de 100 000 followers –en témoigne. Une prouesse quand on connaît le quotidien d’un photographe : shootings, rendez-vous clients, évènements. Mais Laurent Castellani refuse de s’identifier comme tel. « Je suis très sensible aux mots, et je trouve ce dernier réducteur. Je ne saurai dire pourquoi, mais dans ma tête, un photographe réalise des photos de famille ou de classe ». Créateur d’images ou d’émotions, tels sont les termes qu’il préfère.

Laurent Castellani a choisi la photographie pour sa capacité à libérer, à apaiser, et à générer un pouvoir d’écoute. « Elle permet de laisser quelque chose derrière soi. Avec elle, je mène une véritable quête de reconnaissance. Mes images sont le reflet de mes heures à visionner des films, ou écouter de la musique. Elles sont directement inspirées de mon vécu aussi. Je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour l’explicite, j’aime réfléchir, et prendre de la hauteur. J’ai dû grandir vite lorsque j’étais plus jeune, c’est pourquoi j’ai autant besoin de rêver », explique le photographe installé à Nantes. Reverie. C’est ainsi que s’intitule d’ailleurs son premier ouvrage édité par la maison d’édition the New Heroes & Pioneers publishing house, et disponible en prévente. « J’avais beaucoup de shoots et très peu de support où les faire vivre finalement », confie l’instagrameur qui, via ce projet d’édition, ancre ses productions dans la réalité. Un nouveau challenge pour le solitaire perfectionniste qui a pour l’occasion appris à déléguer et faire confiance.

© Laurent Castellani© Laurent Castellani

Un voyage des sens et des vibrations

Neutralité, esthétisme, et simplicité. C’est tout cela qu’évoquent les images minimalistes signées Laurent Castellani. Lorsqu’on l’interroge sur la photographie de mode, sa réponse est catégorique : « Je n’aime pas ce milieu : c’est catastrophique pour la planète, et très surfait de manière générale ». Il préfère plutôt mentionner des images « orientées beauté ». Et selon l’artiste, ce sont les femmes qui incarnent cette beauté. « Un des autres mystères de l’univers, les femmes ! ». Pour expliquer sa fascination pour le genre féminin, il cite une des scènes du film culte Retour vers le Futur. « Je ne comprends pas bien les femmes, et je ne pense pas être le seul. Avec toute l’expérience que j’ai – je partage ma vie avec ma femme depuis 16 ans – je pense qu’il est très difficile de sonder le cœur des femmes. Dans un monde où plus grand-chose ne me fascine ou ne m’étonne, elles continuent à me fasciner, et me fascineront toujours ». C’est ainsi qu’il a construit son image sur les réseaux sociaux. Ses modèles ? Des mannequins représentées par de grandes agences, pour la plupart. « J’aime shooter ces belles femmes, et les personnes qui me suivent aiment les voir », ajoute-t-il avant de reprendre les mots d’IAM  :

 « Pourquoi elles touchent moins de pognon à compétences égales?

Pourquoi elles seraient moins faites pour êtres responsables ? 

Alors qu’elles nous ont tous torché le cul nu dans le sable »

« La beauté est partout. Il faut juste être observateur et parfois un miracle se produit – les courbes et la lumière entrent en alchimie ». Mais plus que capter la beauté, c’est l’émotion qui guide l’artiste. Son leitmotiv ? Inviter le regardeur à un voyage des sens et des vibrations. « Je rejoins Rainbow Rowell qui a déclaré dans Eleonor & Peak « L’art n’a rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir les choses ». Comme Lynch, une de ses principales références, il développe un processus créatif assez décousu. « Mes idées n’ont parfois aucun lien. Mais pourquoi toujours chercher à donner un sens ? Et s’il n’y en avait pas ? Je montre ce que je ressens. Je n’aime pas cette approche de l’art selon laquelle il faudrait montrer des éléments sensés pour qu’ils soient reconnus comme appréciables ». Quand il rêve, il a besoin de revenir à la réalité, et quand il vit, il a besoin de rêver. Un sentiment qu’il n’est pas le seul à éprouver dans ce contexte étrange…

 

Rêverie, the New Heroes & Pioneers publishing house, 28€, 128p.

© Laurent Castellani© Laurent Castellani
© Laurent Castellani© Laurent Castellani
© Laurent Castellani© Laurent Castellani
© Laurent Castellani© Laurent Castellani

© Laurent Castellani

Page de couverture de “Rêverie” © Laurent Castellani

© Laurent Castellani

Explorez
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Italie, Sicile, Taormine, 1981 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Après huit mois de travaux pour rénovation, le Pavillon populaire de Montpellier rouvre ses portes. À cette occasion, le musée...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
© Grade Solomon
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
Grâce à l'impression risographie, Grade Solomon raconte les formes de vie et les états d’âme dans ce qu’ils ont de familier et de...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Kincső Bede : Déshéritée
© Kincső Bede
Kincső Bede : Déshéritée
Dans son livre Porcelain and Wool, Kincső Bede se réapproprie son identité transverse par des objets, des lieux et des tissus de la...
04 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Grégoire Beraud et les terres colorées de l'Amazonie
Kipatsi © Grégoire Beraud
Grégoire Beraud et les terres colorées de l’Amazonie
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Julie Jones © Agnès Geoffray
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Le conseil d’administration de la Maison européenne de la photographie vient de révéler le nom de sa nouvelle directrice : il s’agit de...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
© Boby
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux univers. À cet effet, nous avons...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet