Miriam Guttmann met en lumière les Seahorse Parent, des hommes trans enceints de leurs enfants. Entre images poétiques et sujet engagé, l’artiste néerlandaise rend hommage à ces personnes courageuses qui bravent les dictats sociaux.
« Saviez-vous qu’il n’existe qu’une seule espèce de mâle sur Terre qui peut tomber enceinte ? », interroge l’artiste néerlandaise Miriam Guttmann dans son projet Seahorse Parent. Lorsqu’on évoque de donner la vie, l’image de la femme s’impose à l’esprit, mais la réalité est toute autre. La nature fait bien son travail et démontre que la grossesse n’est pas obligatoirement genrée. Les hippocampes transgressent cet ordre établi et font du mâle le porteur des enfants. Aujourd’hui, les humains en font de même. Ce n’est plus une tâche réservée à la femme, mais un plaisir qui est partagé par certains hommes aussi.
C’est à travers un court documentaire ainsi qu’une série photographique que Miriam Guttmann illustre cette réalité que vivent les parents transgenres. Seahorse Parent est un projet qui remet en question la question du genre lorsqu’on parle de porter la vie. « La grossesse et l’accouchement sont fortement liés au genre. C’est une partie de la vie qui est naturellement attribuée aux femmes. Mais en réalité, si l’on considère le genre comme une construction, ce n’est pas toujours le cas. Les hommes aussi peuvent être enceints. Mon objectif principal pour le projet Seahorse Parent, qui consiste en un court documentaire et une série de photos, est de normaliser et de célébrer l’image des personnes transgenres enceintes, et de servir d’alliée pour soutenir la communauté LGBTQIA+ ». Dans le cadre de son projet, l’artiste a pu illustrer la grossesse de quatre pères, Liam, Alex, Jerome et Ruben. Nés dans des corps de femmes, ces hommes sont aujourd’hui de futurs parents qui portent leurs enfants. Nus et sous l’eau, ils affrontent le regard des autres à travers l’objectif et les clichés de Miriam Guttmann.
Un travail engagé dont le titre reflète la réalité de nos sociétés en évolution. Pour Miriam Guttmann le but était de mettre en avant le propos dans un style documentaire au cadre artistique stylisé. « J’ai pris la métaphore du parent hippocampes – le nom que les hommes transgenres enceints utilisent pour s’appeler elles-mêmes – au pied de la lettre. Le nom et le style du projet sont donc pour ainsi dire tirés de la réalité », confie l’artiste. Inspirée par des photographes comme Rahi Rezvani, Paul Cupido, Vivian Maier, Nan Goldin ou encore Clé Hunnigan – photographe des fonds marins – Mariam Guttamnn reflète l’envie de donner la parole à ceux que l’on n’écoute pas, aux oubliés de nos sociétés qui pourtant sont en première ligne des changements sociaux et des évolutions d’aujourd’hui. « Je suis convaincue que les courageuses personnes transgenres qui prennent la décision de tomber enceintes sont un excellent exemple pour nous tous·tes. Elles remodèlent et réforment nos idées fixes et rigides sur le genre, sur ce que sont les notions de féminin et de masculin », déclare la photographe avant de développer l’importance que cela a pour le futur. « Je pense que dans l’histoire, ce sont toujours les pionnier·ess, les libéraux·les les plus franc·hes, qui nous aident à aller de l’avant. Pour moi, Liam, Alex, Jerome et Ruben, ainsi que les autres parents transgenres, sont ces personnes qui donnent du pouvoir et je me sens profondément honorée et touchée et humble d’avoir travaillé avec eux ».
Au-delà de l’art
« C’est une histoire importante à raconter et nous le faisons d’une manière qui n’est pas voyeuriste. Ce processus est si beau, qu’il mérite d’être de l’art », affirme Liam, parent d’un enfant âgé·e de onze mois et originaire du New Jersey. Et certes, ce sujet mérite, de par sa beauté et la poésie de son traitement, d’être considéré à travers des œuvres. Mais il va plus loin que la simple question de l’esthétique. C’est une série photographique qui signifie beaucoup pour sa créatrice, ses modèles et celleux dont les histoires résonnent avec Seahorse Parent. Miriam Guttmann avait pour but de « donner une voix à ceux qui ne sont pas toujours vus ou entendus. Car je pense que la représentation est une étape cruciale dans la création d’un monde plus empathique. J’essaie de mettre en lumière et de faire reconnaître ces êtres humains incroyables, ces héros qui ouvrent la voie pour nous aider à aller de l’avant ».
Mais c’est finalement pour ces pères de famille que ce projet a un grand impact : la reconnaissance, pour un homme trans, de pouvoir être un père biologique, porter son enfant et lui donner naissance. Miriam Guttmann prône l’acceptation dans son travail et cette série d’images accompagnée d’un documentaire n’y fait pas exception. « Il s’agit de mettre en valeur les différences qui existent entre les personnes qui donnent naissance à un enfant. Il s’agit de reconnaître que ces différences ne sont pas intrinsèquement mauvaises, mais plutôt belles. Seahorse Parents montre que tout le monde mérite de fonder une famille de la manière qui lui convient le mieux », analyse Alex, un des modèles. Parce qu’au-delà de l’acceptation de leurs histoires et de leurs corps, c’est faire comprendre qu’une famille peut prendre plusieurs formes. Et finalement, le plus important, c’est que ce projet « fais de nous des personnes » affirme Liam avant de conclure que « ce n’est pas parce qu’on est une personne trans que l’on n’est pas intéressé·e, que l’on n’a pas envie d’avoir sa propre famille. Même s’il s’agit d’une famille biologique, cela se produit de différentes manières, avec différentes personnes, et c’est toujours un beau processus ».