Le programme BMW ART MAKERS, initiative de soutien à la création, accueille cette année le duo d’artiste/curatrice composé par Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy, afin de leur permettre de penser un projet autour de la production d’images abstraites. Prochainement visible dans plusieurs manifestations majeures du 8e art, Le Rayon Vert raconte l’impressionnante diversité chromatique de nos ciels, mais aussi ce que cette dernière dit de la dégradation de notre planète.
Proposition originale dans le paysage artistique hexagonal, BMW ART MAKERS met cette année sous le feu des projecteurs une œuvre expérimentale née de la collaboration entre le regard d’une curatrice et d’un photographe venu du monde de l’ingénierie. Intrigué par la question de la déconstruction, fureteur en recherche constante d’une meilleure compréhension du fonctionnement derrière les choses, Mustapha Azeroual explore un art proche de l’abstraction colorimétrique, à la lisière de la peinture et de la chimie. En résultent des œuvres extrêmement picturales, qui interrogent la photographie elle-même et les matériaux qui lui sont constitutifs, ainsi que sa prétention à représenter le monde de manière figurative et immédiate. « Si elles procurent une épiphanie chromatique, qui répond à un plaisir de la couleur que nous avons tous·tes, il n‘y a là qu’une première lecture à faire du travail de Mustapha Azeroual, prévient Marjolaine Lévy. Cette abstraction narrative va s’approfondir, jusqu’à s’inscrire dans des problématiques contemporaines et sociétales. »
« Qui n’a jamais rêvé de voir ce que l’œil est incapable de saisir ? », interroge Mustapha Azeroual. The Green Ray raconte cette quête, en s’intéressant à un phénomène optique et atmosphérique reconnu : l’aspect d’éclair vert que prend le tout dernier rayon de soleil avant sa disparition, que l’on peut apercevoir par temps clair au bord de l’océan. « Ce fameux rayon qui, d’après une légende écossaise, confère à celleux dont il a frappé les yeux le pouvoir de voir clair dans les sentiments et les cœurs », écrivait Jules Verne dans son roman Le Rayon Vert. Prenant racine en haute mer, ce projet ambitieux revisite cependant ce mythe de manière singulière.
À la recherche du rayon vert
Pour ce travail, l’artiste aura fait appel à toute une communauté de marins et de navigateurices, en leur demandant de capturer le lever et le coucher du soleil au moment qui leur semblait le plus fascinant. Ayant reçu une centaine d’images, toutes spectaculaires, Mustapha Azeroual sélectionne certaines d’entre elles afin de lui servir de source pour la production de ses œuvres : c’est cette base qu’il réinterprète alors à l’infini. « Ces images sont des compositions de paysages que je n’ai pas vus. Mon propos est de travailler sur la manière dont celles-ci vont préparer notre regard sur le monde », raconte-t-il. Comme une synthèse de ce que sont les ciels en haute mer, les dégradés de couleur de cet artiste tourangeau laissent cependant apparaître en filigrane une autre réalité, moins radieuse. Celle d’une réalité liée essentiellement à l’activité humaine et à la pollution atmosphérique. « Ces couleurs du ciel, qui donnent à voir des choses sublimes, ont changé au fil du temps, déclare le duo. Nous ne faisons qu’un constat, notre propos n’est pas de dénoncer. »
« Le dégradé est finalement éprouvé par de nombreux·ses artistes dans l’histoire de art, mais ceux de Mustapha Azeroual sont narratifs et puisent dans le réel. Jusqu’à devenir, presque, une expérience sociale de la couleur », explique Marjolaine Lévy. Visibles sur des supports lenticulaires, qui immergent les spectateurices à la fois dans une expérience méditative et mouvante, ces œuvres minimalistes misent sur une forme d’essentialisme et d’impact de l’image avant toute chose. Il se peut qu’au cours de leur contemplation, certain·es spectateurices, chanceux·ses, aperçoivent le rayon vert qui donne son nom au projet.
« C’est une manière très originale de nous rappeler qu’il peut y avoir des points de vue différents d’une même image », déclare Hervé Digne, membre du jury. Une seule et même image peut ainsi renouveler sans cesse l’expérience de la perception. C’est cette richesse que donneront à considérer les diverses installations – dont la scénographie sera rejouée à chaque fois – au Cloître Saint-Trophime au moment des Rencontres d’Arles, puis à Paris + par Art Basel, et enfin, au salon Paris Photo. À défaut de trouver ce fameux rayon vert, les visiteurices sauront apprécier ces couches de couleurs variées qui formeraient presque les lignes qui composeraient les vers d’un poème.